2003-2006 : le monoquini, un cinéma de poche

Trois années durant, de 2003 à octobre 2006, au numéro 5 de la rue Bayard à Montpellier, Monoquini a disposé d’un espace modulable d'environ 80m² - à la fois lieu d'exposition et cinéma de poche où ont été invités nombre d'artistes, cinéastes, chercheurs et auteurs.
Après trois années de programmation soutenue, en collaboration notamment avec l'association bande annonce et panoplie.org, le lieu a définitivement fermé ses portes le 31 octobre 2006. La programmation de la saison 2006 eut lieu sur une base mensuelle. Antoine Calafat en a conçu les dépliants.



JUIN-JUILLET 2006

Jeudi 1er juin / 20H30
La profondeur Duchamp / 3
En préambule de l’exposition CHAUFFE, MARCEL !
En partenariat avec le FRAC LR

Adrian Maben
LES NOUVEAUX REALISTES

(France, 1974, 16mm, couleur, 1H15)

Ce documentaire exceptionnel nous présente les membres du mouvement des Nouveaux Réalistes réunis sous la férule du critique Pierre Restany au tout début des années 60, au travers d’entretiens et d’images d’archives.
Recyclage et détournement d’objets de consommation courante et de rebuts industriels constituent chez ces artistes, souvent avec ironie, la matière d’une réflexion critique sur la société de consommation et la poétique du quotidien.
Ainsi, nous voyons Yves Klein diriger ses modèles nues lors de la réalisation de ses « anthropométries » et peindre au lance-flammes ; Tinguely détruire un phallus géant et éructant lors d’une performance fameuse devant le Dôme de Milan pour le dixième anniversaire des Nouveaux Réalistes en 1970 ; Nikki de Saint-Phalle peindre à l’aide d’un 22-long rifle ; Martial Raysse faire ses courses dans la jungle multicolore des supermarchés ; Arman accumuler et César compresser ; Daniel Spoerri déjeuner avec ses amis puis coller les reliefs du repas ; Raymond Hains jouer à La Palisse ; Jacques de la Villeglé arpenter les palissades ; les affichistes François Dufresne et Nino Rotella se fendre de poèmes lettristes ; Christo emballer femme et falaise…

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Mardi 6 juin / 21H
au Monoquini

Les films magiques de Kenneth Anger

Les hasards du calendrier nous amènent à invoquer de singulières figures, pour une sulfureuse messe cinématographique. Ainsi ce 06/06/06 évocateur, alignant le chiffre de la Bête marqué au front du mage anglais Aleister Crowley. Une influence que revendique le cinéaste Kenneth Anger, au travers d’une œuvre filmique peu prolixe (une dizaine de courts métrages), mais radicalement personnelle et comme marquée par le sort, sans cesse remaniée depuis près de cinquante ans.
L’auteur du célèbre « Hollywood Babylone » (publié chez Pauvert en 1959) est l’inventeur d’un cinéma expérimental où se côtoient le merveilleux et l’occulte, la violence et le fantasme, le symbolisme mystique et la culture pop des années 60 et 70. Une œuvre entre lumière et ténèbres où la magie comme expérience spirituelle ambivalente se fond avec les signes de la société moderne, brassant culture populaire et contre-culture, versant démoniaque. Cette démarche où Anger engage sans concession sa propre vie auréolée de mystère, où « le cinéma dépasse l’esthétique et devient l’expérience », explique qu’il soit le plus mythique des cinéastes underground, dans le sens véritable d’un projet subversif, anti-conformiste et poétique.


INAUGURATION OF THE PLEASURE DOME

(1954-66, 16mm, couleur, sans paroles, 38’)
Prix de l’Age d’or au Festival international du film expérimental de Bruxelles, 1958.
Avec Samson de Brier, Anaïs Nin, Curtis Harrington, Kenneth Anger...

Anaïs Nin dans le rôle d’Astarté / INAUGURATION OF THE PLEASURE DOME

Le film est issu d’un des rituels dramatiques d’Aleister Crowley où les convives assument l’identité d’un dieu ou d’une déesse. C’est l’équivalent d’une mascarade, d’un rituel où la couleur, dans des teintes rouges, or et noires, et l’illusionnement progressif, par la multiplicité des surimpressions, remplacent les mots. L’ordonnancement baroque et hallucinatoire, cette pâte visuelle ininterrompue, évoque « la dégelée d’images rapides » selon Audiberti. Ici c’est la légende de Bacchus qui est le pivot du rituel, et qui se termine avec le dieu mis en pièces par les bacchantes.

INVOCATION OF MY BROTHER DEMON
(1966-69, 16mm, couleur, sans paroles, 11’)
Bande son originale de Mick Jagger au Moog.
Avec Anton La Vey, Bobby Beausoleil, Kenneth Anger…
"L'ombre de Notre Seigneur Lucifer avance, pendant que les Forces du Mal se rassemblent dans une messe de Minuit." Véritable assaut sensoriel, « une brûlure » selon les propres termes d’Anger, ce film exerce un impact abrasif sur le spectateur, dont le mode de perception habituel est consigné aux flammes. Le montage très dense et la multiplicité des couches d’images, propres au cinéma psychédélique de le fin de ces années 60, atteignent ici une intensité peu commune, un flux affranchi des lois de la gravité, un torrent de lave visuelle où percent des images subliminales de la guerre du Vietnam, alors à son apogée. Ces 11 minutes sont tout ce qu’il reste des bobines de la première version de LUCIFER RISING, volées et vraisemblablement détruites par l’acteur et musicien Bobby Beausoleil, impliqué dans la bande de Charles Manson et plus tard emprisonné pour meurtre.

LUCIFER RISING
(1970-81, 16mm, couleur, sans paroles, 28’)
Avec Marianne Faithfull, Kenneth Anger, Donald Cammel...
Musique de Bobby Beausoleil, composée à la prison de Tracy.
(la musique de la première version du film était signée Jimmy Page)

Miriam Gabril dans LUCIFER RISING

Un retour aux mythes antiques solaires, particulièrement Egyptiens. Ici encore, les acteurs endossent le caractère de divinités évoluant dans un espace symbolique. La présence dans ce film produit par Anita Pallenberg (actrice, égérie de Mick Jagger et Keith Richards) de nombreuses personnalités de la scène culturelle londonienne confirme l’influence de Kenneth Anger dans un contexte où l’ésotérisme et les sciences occultes étaient source d’intérêt dans les cercles de la contre-culture.

Les films de Kenneth Anger sont distribués par Cinédoc / Paris Film Coop.
Photos extraites du site www.cinedoc.org

Séance précédée de
WE WANTED TO BE BAD,
court métrage de Marko Lumpisuo
(Finlande, 2002, vidéo, vo finnoise sous titres anglais, 4’)
Les musiciens d’un groupe de Dark Metal se rassemblent autour d’une table pour se grimer de motifs effrayants avant leur entrée en scène. Cette mascarade est accompagnée d’un morceau du groupe, où le chanteur éructe : « Nous voulions être méchants…mais n’en avions pas le courage ».

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Jeudi 8 juin / 20H30
Centre Rabelais,
29, boulevard Sarrail (Esplanade) à Montpellier

La profondeur Duchamp / 4
En préambule de l’exposition CHAUFFE, MARCEL !
En partenariat avec le FRAC LR

Jan Svankmajer
LES CONSPIRATEURS DU PLAISIR

(Tchécoslovaquie, 1996, 35mm, couleur, 1H18)

Jan Svankmajer est le maître incontesté du cinéma d’animation Tchèque. Célèbre pour ses films à base de pantins, de pâte à modeler, d’objets du quotidien et de rebuts hétéroclites, il s’inscrit dans une veine résolument surréaliste avec une prédilection pour l’ironie et l’irrationnel, épinglant la solitude et l’incommunicabilité entre les êtres. A l’instar de son inquiétante adaptation d’ALICE, d’après Lewis Carroll, Svankmajer fait intervenir ici ses personnages de chair, d’os et de sang dans un univers d’objets doués d’une vie propre, même si éphémère, où les « conspirateurs du plaisir » s’animent fiévreusement pour réunir les conditions nécessaires à l’assouvissement de leurs fantasmes :
Monsieur Pivoine se confectionne des ailes de chauves-souris et élabore une figurine de sa logeuse, Madame Loubalova… Cette dernière coud une poupée de chiffons à l’effigie de Monsieur Pivoine… La postière pétrit inlassablement d’innombrables boulettes de mie de pain…Dans son atelier secret, le commissaire Beltinsky colle sur des couvercles de marmite et des rouleaux à pâtisserie divers objets hétéroclites aux sensations tactiles variées…Son épouse, la belle présentatrice de télévision Madame Beltinska, achète deux carpes vivantes qu’elle installe dans une bassine de zinc…Monsieur Kula, le vendeur de journaux amoureux de l’image télévisée de Madame Beltinska, construit un dispositif dont le petit écran de télévision constitue une sorte de centre psycho-érotique…

Rareté n’ayant jamais fait l’objet d’une distribution française, ce film est un chef d’œuvre d’humour noir qui amène indéniablement de l’eau au moulin des machines célibataires.

Avertissement : certaines images sont de nature à heurter un jeune public.

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Mardi 13, mercredi 14 & jeudi 15 juin / 20H30

BARNEY WILEN - THE REST OF YOUR LIFE
Un film documentaire de Stéphane Sinde
(France, 2005, vidéo, 55’)
Production : Nord-Ouest Documentaires – Sylvie Randonneix
Sélectionné au FIPA et au Cinéma du réel
Séance en présence du réalisateur le mardi 13 juin.

Évocation de la vie et de l’œuvre du saxophoniste de jazz Barney Wilen, à travers le regard de ceux qui l’ont côtoyé.
Un portrait en pointillé d’un musicien mythique, jouant à 18 ans aux côtés de Miles Davis, et que beaucoup qualifièrent de « plus grand saxophoniste européen ».
Parti à Zanzibar dans les années 70 aux côtés d’une aristocrate déchue, objet de la BD culte de Loustal « La note bleue », Barney Wilen fut célèbre aussi bien pour ses apparitions brillantes que ses disparitions inexpliquées.
Sous forme d’essai cinématographique, le film souhaite reconstituer un parcours de vie mystérieux, foisonnant, tout en questionnant la part de mythe du personnage.
Un parcours qui nous entraînera de Jacques Thollot à Caroline de Bendern, en passant par Loustal, Archie Shepp, Laurent de Wilde et Philippe Garrel.

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Jeudi 29 juin / 21H
au L.A.C. / Lieu d’Art Contemporain
Hameau du Lac – 11130 Sigean
Renseignements : 04 68 48 83 62
www.lac.narbonne.com

La profondeur Duchamp / 5
Dans le cadre de l’exposition CHAUFFE, MARCEL !
En partenariat avec le FRAC LR

Gary Beydler / HAND HELD DAY
(USA, 1974, 16mm, silencieux, 6’)
En guise d’ouverture, au crépuscule, le soleil finit sa course dans un miroir tenu au creux de la main du cinéaste.

Bobby Lapointe - ARAGON ET CASTILLE
Dans ce Scopitone des années 60, Bobby pédale à en fendre la glace tout en débitant un flot ininterrompu de ses fameuses contrepèteries

Adrian Brunel / CROSSING THE GREAT SAGRADA
(GB, 1927, 16mm, muet, n&b, 14’)
«Tout monteur devrait ainsi s’efforcer de se constituer une filmothèque de plans «utiles», prélevés dans des productions passées, auxquelles lui ou ses prédécesseurs ont travaillé, ou dans leurs filmothèques. Les plans provenant de films de voyages sont sans prix. J’ai un jour fabriqué presque entièrement un petit film à partir de chutes de films de voyages, et j’ai souvent obtenu des effets très convaincants en entrecoupant mon matériel original de scènes de voyages.» Adrian Brunel, How to Make Films, vers 1933.
Un des premiers films de détournement, réalisé à partir de sources filmiques préexistantes (le terme de found footage n’avait pas encore été inventé) dans un registre loufoque que n’aurait pas renié Raymond Roussel, rayon « Impressions d’Afrique ».

Bertran Berrenger / CARAVANE
(France, 2002, vidéo, 5’25)
Une partition pour mobilier de caravane interprétée par deux esprits frappeurs.

Volker Schreiner / OPEN UP
(Allemagne, 1991, vidéo, 3’)
Un travail purement formel et ironique, obsessionnel, qui s'attache particulièrement à réorganiser
les notions essentielles de cadre (l'image), de matière (le son et la matérialité du son) et du rythme (le montage).

Martin Arnold / PIÈCE TOUCHÉE
(Autriche, 1989, 16mm, n&b, 15’)
Un extrait de 18 secondes découpé dans un film de série B américain du début des années 50,
retravaillé en fonction de sa progression spatiale et temporelle, révèle sa nature secrète.
Eléments fournis : la mariée, un célibataire et la broyeuse de chocolat en fond sonore…

Robert Breer / 69
(USA, 1968, 16mm, 5’)
Des formes aux arêtes vives et les contours de formes 3-D (octogones et colonnes, le châssis d’une porte, etc.)
en rotation dans l’espace, alternent entre eux, et se désintègrent optiquement.

Roman Signer / HUT
(Suisse, vidéo, 4'30)
Le travail de Roman Signer repose sur des évènements scrupuleusement préparés, des « moments sculpturaux » qui impliquent un vocabulaire d’objets simples et de matériaux tels que des ballons, des bicyclettes, de l’eau et du bois, activés par le mouvement, la transformation ou encore la destruction à l’aide d’explosifs.
Cette vidéo présente quelques uns de ces « fiascos réussis », comme autant d’expériences de physique amusante.

Julien Prévieux / ROULADES
(France, 1998, vidéo, 5’30)
Artiste qui roule n'amasse pas mousse.

Peter Fischli & David Weiss / LE COURS DES CHOSES
(Suisse, 1987, 16mm, couleur, 30’)
Dans un entrepôt, une structure précaire d’une centaine de mètres de long a été construite à base des matériaux les plus divers. Un premier élément est mis en mouvement, s’ensuit une réaction en chaîne. Le feu, l’eau, les lois de la gravité, les réactions chimiques, en un lent travelling, construisent un récit où il est question de cause et d’effet, d’approximation et de précision, du processus créatif et de la destruction.

Durée totale de la séance : environ 1H40

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Samedi 1er Juillet à 22H
Projection en plein air
Place du Moulin à Huile à Castries
(18 km de Montpellier)

BOUQUETS FILMIQUES
En partenariat avec Aldébaran
dans le cadre de « Jardins Publics / Jardins Privés »
Renseignements : 04.67.45.49.34
aldebaran8@wanadoo.fr


Une sélection internationale de courts métrages expérimentaux
qui fleurent bon l’été, en projection 16mm.

Au programme :

Bruce Baillie
All my life

(USA, 1966, 16mm, 3’)
«Bruce Baillie aime filmer avec de la pellicule ancienne. Dans ALL MY LIFE, panoramique élégiaque à 360° sur un champ clôturé, le temps qu’Ella Fitzgerald chante la chanson éponyme, les couleurs chaudes, saturées et comme vernies créées par le développement d’une pellicule Ansco périmée sont aux motifs — la barrière, les fleurs blanches, un massif de fleurs rouges — ce que l’envol final de la caméra est au ciel bleu: un irrémédiable éloignement, qui repousse les choses au moment même où elles se présentent, transpose leur apparition en convocation nostalgique et confond la chose avec son souvenir. Là-bas, dans le petit champ de Bruce Baillie, les fleurs ne sentent plus rien et la couleur embaume.» Nicole Brenez.

Marie Menken
Glimpse of the garden

(USA, 1957, 16mm, 4’)
Bande sonore : chants d’oiseaux. Exploration subjective, lyrique et sensuelle d’un jardin de fleurs, en très gros plans et flash d’harmonies colorées.

Stan Brakhage
The Garden of the Earthly Delights

(USA, 1981, 16mm, silencieux, 2’30)
Ce film est un collage de végétation montagnarde. Comme son titre l’indique, il s’agit d’un hommage (mais aussi d’un dialogue avec) à Bosch. Hommage au Jardin embrouillé de J.E.H. MacDonald et aux peintures de fleurs d’Emil Nolde.

Olivier Bougnot
Tronco Luxurioso

(France, 1992, 16mm, couleur, 12’)
Les paroles chuchotées en brésilien et en français sont des fragments de textes de Clarice Lispector: Amour, dans les liens de familles et Agua Viva. La musique d’Olivier Messiaen: Dans le jardin du sommeil d’amour ; 6e mouvement de Turangalîla-Symphonie. «Maintenant je vais parler de la dolence des fleurs pour sentir l’ordre de ce qui existe. Avant je te donne avec plaisir le nectar, le jus doux que maintes fleurs contiennent et que les insectes recherchent avec avidité. Pistil est organe féminin de la fleur qui occupe généralement le centre et contient les rudiments de la semence. Pollen est poudre fécondante produite dans les étamines et contenues dans les anthères. Il est composé d’un stylet et de l’anthère dans la partie inférieure entourant le pistil. Fécondation est l’union des deux éléments de génération — féminin et masculin — dont résulte le fruit fertile» et Yahvé Dieu planta un jardin dans l’Éden qui est en Orient et il y plaça l’homme qu’il avait formé. (Gen. II-8).

Francien Van Everdingen
Monologue extérieur

(Hollande, 2003, 16mm, silencieux, 2’35)
Un film inspiré d’Antoine Vuillard.

Francien Van Everdingen
Wall of sound flowers

(Hollande, 2004, 16mm, 6’)
Un film d’animation mettant en scène un papier peint fleuri et sonore.

Rose Lowder
Les coquelicots

(France, 2000, 16mm, silencieux, 2’30)
Comme on fait un bouquet de fleurs des champs, Rose Lowder cueille et tisse ses images.

Craig Lindley
Emanance

(USA, 1999, 16mm, 9’)
EMANANCE explore les zones de connexion du cinéma visionnaire et concret. Le film s’ouvre sur une forêt vierge, puis montre des ruisseaux et des étangs dans la forêt, pour s’intéresser enfin aux mouvements de la surface de l’eau ainsi qu’aux mouvements de la lumière sur cette surface. Le traitement du négatif noir et blanc et son couplage avec des teintages au toner et des virages ont changé radicalement le paysage et créent un royaume visionnaire intense. L’eau repose comme une piscine de feu dans la forêt émanente. Le soleil devient l’astre noir, par clignotement, se volatilisant en forme d’énergie et d’éruption protozoaire avant de sombrer dans un flot de lave.

Durée de la séance : environ 45’




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