Cette page est une archive réunissant les séances mensuelles LUNE NOIRE
de janvier à décembre 2016, au Cinéma Utopia de Bordeaux

Retrouvez Lune Noire sur www.lunenoire.org et sur Facebook

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DIMANCHE 10 JANVIER - 20H45
Cinéma Utopia

5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 6,50 € ou ticket d'abonnement

MUDHONEY
Un film de Russ Meyer
États-Unis, 1965, n&b, 1h32, VOSTF
Projection 35mm

Avec Hal Hooper, John Furlong, Frank Bolger, Stuart Lancaster, Lorna Maitland, Rena Horten...

"Si vous doutez encore que Russ Meyer soit un grand cinéaste (ce qui j'espère n'est pas le cas), les premières minutes de MUDHONEY vont vous convaincre aussitôt du talent incontestable du maître. Mêlant gothique sudiste, littérature pulp rurale et cinéma d'exploitation tendance "roughie", il nous dépeint ici un univers campagnard grotesque et dégénéré pas si éloigné des récits d'Erskine Caldwell et Tennessee Williams. Posant les bases du mélodrame hillbilly et de la hicksploitation (le cinéma de péquenauds, en d'autres termes, qui fit les heures de gloire des drive-in dans les années 60 et 70), ce successeur du déjà bien poisseux LORNA, contemporain du 2000 MANIACS de Herschell Gordon Lewis, contient en germe tous les éléments qui allaient caractériser le genre "redneck".

Calif McKinney (John Furlong), un Nordiste, se retrouve dans un bled paumé du nom de Spooner. Le lieu est gangréné par la violence, l'alcoolisme, la folie et la répression sexuelle, là où les gens sont obsédés par le péché et sa transgression. Les filles sont des bombasses demeurées, les mecs des ivrognes abjects et tout le monde semble avoir besoin d'un bon dentiste. En acceptant de travailler à la ferme du vieillissant Lute Wade (Stuart Lancaster), Calif tombe sous le charme de la nièce du propriétaire terrien, Hannah Brenshaw (Antoinette Cristiani) mais celle-ci est déjà mariée à l'odieux Sidney (Hal Hopper). La rage de ce dernier, devenu incontrôlable depuis l'arrivée du citadin, va alors se propager à toute la communauté, et les discours du prêcheur local Brother Hanson (Frank Bolger) ne vont rien faire pour calmer la populace. Hystérie, lynchage, sexe, beuveries et humour noir, le "Fellini rural" propose même une virée au bordel chez la joviale et édentée Maggie Marie (Princess Livingston) et une scène de funérailles que vous n'êtes pas prêts d'oublier. Ici, on boit du moonshine, on viole les jeunes filles dans la boue et on se fait justice soi même.

Tourné au Texas et basé sur le roman "Streets Paved with Gold" de Raymond Friday Locke, MUDHONEY, sorti presque dix ans plus tard en France sous le titre LE DÉSIR DANS LES TRIPES, était un film définitivement courageux dans l'Amérique tourmentée des années 60, en pleine déségrégation mais toujours hantée par ses vieux démons. Ce portrait sans fioritures d'un Sud cauchemardesque et intolérant, éloigné des règles de la civilisation, où les femmes sont soumises aux agressions des hommes, n'est pas qu'un exercice de style qui tente de plonger le spectateur dans les tourments de la Grande Dépression, mais davantage une satire sociale ultra pessimiste sur les maux de l'Amérique contemporaine. Ajoutez à cela les poitrines prêtes à exploser de Lorna Maitland et Rena Horton et des acteurs qui semblent sortir tout droit du casting de "Délivrance" (les incroyables Sam Hanna et Mickey Foxx) et vous obtenez un cocktail détonnant !

"Welcome to Sex !" proclamait la bande annonce. Au final le film fut un des rares échecs commerciaux du Sir Meyer. Forcément, une affiche avec la silhouette d'un homme pendu, ça ne fait pas venir les foules. Honte à eux ! L'Amérique aliénée de ces ploucs attardés ressemble aux meilleures pages des romans de Harry Crews. À déguster avec de l'alcool qui rend fou."
(Maxime Lachaud)

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Séance en présence de Maxime Lachaud, essayiste et journaliste spécialiste de la littérature du Sud des États-Unis, auteur de Redneck Movies - Ruralité et dégénérescence dans le cinéma américain (Rouge Profond, 2014)

Rencontre-signature avec Maxime Lachaud
à la librairie-galerie La Mauvaise Réputation, 19 rue des Argentiers,
le samedi 9 janvier à partir de 16h.

Les "redneck movies" représentent tout un pan du cinéma d'exploitation américain, qui connut son heure de gloire entre les années 1960 et 1980 - et qui se poursuit aujourd'hui de façon plus diffuse. Le genre gagnera ses lettres de noblesse au début des années 1970 avec DÉLIVRANCE (1971) de John Boorman ou MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE (1974) de Tobe Hooper, et envahira outre-Atlantique le cinéma et même les écrans de télévision, au point que l'on parle de la "hicksploitation", le "cinéma de péquenaud". Deux courants principaux dans cette tradition cinématographique : le premier présente soit des citadins trop sûrs d'eux confrontés aux mœurs et aux manières primitives de la campagne, un univers violent de survie et de pauvreté où émergent les instincts les plus refoulés et brutaux, soit la peinture d'un univers inquiétant et dégénéré en dehors des lois et des normes urbaines. L'autre tendance est moins sombre et plus populaire, avec des bons gars de la campagne, revendant de l'alcool de contrebande, poursuivis par des shérifs niais et des hordes de malfrats. Tout cela se règle dans des courses-poursuites en voitures sur fond de musique bluegrass, avec pour seuls décors une station-service, un café, des fermes isolées et des routes.

Le volumineux ouvrage de Maxime Lachaud, très richement illustré et bénéficiant d'entretiens inédits (avec John Boorman, Tobe Hooper, Jeff Lieberman, David Worth, Glen Coburn, Yves Boisset, William Grefé...), met les mains dans la boue pour découvrir une Amérique représentée par cet autre cinéma, étrange, poisseux, dégénéré, écrasé sous un soleil de plomb. L'auteur est remonté aux origines du stéréotype populaire du redneck (cou rouge), en précisant le contexte socio-historique afin d'en saisir l'esthétique. Certains films évoqués sont des classiques du cinéma, d'autres sont totalement obscurs, presque introuvables. Vous découvrirez donc ici autant de chefs-d'œuvre que de nanars, autant de joyaux noirs que de films fauchés. Le genre est aussi exploré dans toute sa richesse (porno paillard, cannibalisme hillbilly, créatures des marais, comédies de ploucs, slashers ruraux, etc.) et dans l'impact qu'il a pu avoir en dehors des frontières américaines, y compris dans le cinéma actuel.

Essayiste et journaliste français, Maxime Lachaud s'est imposé comme une référence dans la recherche autour des arts et de la littérature du Sud des États-Unis. Il est l'auteur du livre Harry Crews, un maître du grotesque (K-Inite, 2007), la première étude française sur cet écrivain sudiste majeur. Attiré par les marges, Lachaud a coécrit une encyclopédie critique du cinéma Mondo (Reflets dans un oeil mort, Bazaar et co, 2010) ou codiriger une anthologie sonore sur le groupe de science-fiction expérimentale Limite (Aux Limites du son, La Volte, 2006). Ses entretiens, très nombreux, pour divers médias (presse, télé, radio) l'ont amené à rencontrer des cinéastes de toutes nationalités.

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Un événement proposé par l'association Monoquini en partenariat avec le Cinéma Utopia, Radio Nova Sauvagine et la librairie La Mauvaise Réputation.
L'association Monoquini reçoit le soutien de la Ville de Bordeaux.

Remerciements : Maxime Lachaud, Jack Stevenson, Thierry Gresta, Sylvain Mavel.
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Lundi 8 février 2016 à 20h45
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux

Tarif : 6,50 euros ou ticket d'abonnement Utopia

THE DRIVER
Un film de Walter Hill

États-Unis, 1978, couleur, 1h47

Avec Ryan O'Neal, Isabelle Adjani, Bruce Dern

Los Angeles. Dans cet espace indéfini, déroulant ses blocks géométriques tel un échiquier géant, le meilleur chauffeur à gages de la ville se fait prendre en chasse par un flic obsessionnel. Animés tous deux par une quête chimérique de perfection, ils s’enfoncent dans une compétition malsaine alors qu’une femme entre dans la vie du chauffeur pour tenter de lui dérober le butin de son dernier contrat.

Après une courte carrière de scénariste (pour Peckinpah entre autres) et avant de devenir l’un des plus importants réalisateurs de blockbusters Badass des années 80 (Les guerriers de la nuit, 48 heures…), Walter Hill fut pour une courte période un des cinéastes américains les plus remarquablement singuliers de la seconde moitié des 70’s. Pour preuve, « The Driver », son second film scintille comme un diamant noir à l’heure où Hollywood fêtait avec Star Wars l’avènement du divertissement régressif et spectaculaire. Véritable réanimation du Film Noir américain des années 40 passé à la moulinette européenne (Bresson et Melville sont les influences assumées de Hill), le cinéaste se sert d’une intrigue prétexte pour orchestrer une sorte de ballet immobile, une partie d’échec mentale, entre trois archétypes anonymes (le chauffeur, le flic, la joueuse) seulement mus par leurs névroses respectives ou par une destinée morbide qu’ils semblent désirer plus que subir. Dans un Los-Angeles nocturne et désert, ces trois fantômes se cherchent, se croisent, s’évitent, dans une partie jouée d’avance et dont les courses-poursuites automobiles – parmi les plus impressionnantes jamais tournées – les mènent de plus en plus sûrement vers leur fin. Dans un monde vidé de substance, tout mouvement n’est qu’une fuite en avant semble nous dire Hill, et il convient donc de le faire avec grâce, pour la seule beauté du geste.

Objet fantasmatique, pur film de mise-en-scène, THE DRIVER est une réussite étourdissante, Hill parvenant à marier avec une grâce et une subtilité déconcertantes l’épure Bressonienne et la vigueur du cinéma d’action américain pour un résultat aux confins de l’abstraction, l’inscrivant comme un des derniers gestes flamboyants du Nouvel Hollywood. Nicolas Winding-Refn s’en souviendra trente ans plus tard pour DRIVE, quasi-décalque de ce Driver à la beauté et à la puissance de fascination toujours intactes.

— Mathieu Mégemont

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MERCREDI 9 MARS - 20H45
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 6,50 € ou ticket d'abonnement

LE VENIN DE LA PEUR
(Una lucertola con la pelle di donna / Carole - Les salopes vont en enfer / Shizoid)
Un film de Lucio Fulci
Italie, 1971, couleur, 1h42, VOSTF
Avec Florinda Bolkan, Anita Strindberg, Stanley Baker, Jean Sorel...
Musique d’Ennio Morricone

Projection numérique / version restaurée

Carol Hammond, membre de la bonne société londonienne, confie à son psychanalyste un rêve récurrent : une troublante relation saphique débouchant sur le meurtre de sa partenaire sexuelle. Quelques jours plus tard, sa voisine, l’actrice en vogue Julia Durer, est assassinée dans son appartement après une fête où s’est pressé le gratin hippie de la ville. Or, Julia Durer n’est autre que la femme dont rêve Carol…

Dès la scène d’ouverture, LE VENIN DE LA PEUR déploie tout son pouvoir de fascination sulfureux. Baroque et onirique, la séquence invite le spectateur à entrer dans le labyrinthe à fantasmes de l’héroïne, une femme persuadée d’avoir commis un meurtre en état de transe.
Plus qu’une version latine - donc poussée dans le rouge - du REPULSION de Roman Polanski (rappelons que le personnage incarné par Catherine Deneuve s’appelle… Carol), le film de Lucio Fulci est un des plus beaux Giallo qui soit. Un genre cinématographique issu de la littérature de gare et qui allait inonder les écrans transalpins suite au succès des premiers films de Dario Argento (L’OISEAU AU PLUMAGE DE CRISTAL en tête).
LE VENIN DE LA PEUR ne déroge pas à ses règles précises : une machination policière, l’étalage psychédélique de l’inconscient, des assassinats fétichisés, les volutes musicales envoûtantes d’Ennio Morricone et au cœur de l’intrigue, toujours, la femme et sa sexualité.
Mais ici, l’héroïne s’affranchit du rôle habituel de victime érotisée pour devenir le siège de toutes les contradictions d’une époque. Cinéaste volontiers misanthrope, Lucio Fulci brouille ainsi les rapports entre psychanalyse et frustrations sexuelles et renvoie dos à dos libéralisation hippie des mœurs et carcan bourgeois.

Si le culte voué à ce cinéaste est tributaire d’une tétralogie macabre consacrée aux morts-vivants (L’ENFER DES ZOMBIES, L’AU-DELÀ…), on aurait tort de négliger, au sein d’une longue carrière protéiforme (ses comédies et ses westerns restent injustement sous-estimés), une série de Gialli atypiques dont LE VENIN DE LA PEUR est sans conteste l’aboutissement. Les référents picturaux (Salvador Dali et Francis Bacon sont clairement cités) choisis ici par Lucio Fulci ne sont pas les moindres atouts d’une mise en scène hallucinée (split-screens, flous, ralentis…).
Le cinéaste choisit également de s’entourer du directeur de la photo d’Elio Petri (Luigi Kuveiller), de Florinda Bolkan, formidable actrice brésilienne à la filmographie exigeante et d’Anita Strindberg, beauté glaçante du Giallo (QUI L’A VUE MOURIR, LA QUEUE DU SCORPION).

La (re)découverte du film témoigne d’un phénomène significatif de l’histoire récente de la cinéphilie : la réévaluation de certains cinéastes italiens majeurs œuvrant dans les genres, jadis rois des vidéoclubs et aujourd’hui célébrés par les plus vénérables institutions. Dario Argento et Mario Bava en premier lieu, mais aussi Lucio Fulci.
Après deux sorties confidentielles dans les salles françaises sous le titre CAROLE, puis LES SALOPES VONT EN ENFER (faisant naître la légende d’une version caviardée d’inserts pornos), le film n’est resté visible en France qu’en cassette VHS. LE VENIN DE LA PEUR jouit aujourd’hui d’une splendide copie restaurée faisant éclore toute la beauté frénétique du film. Immanquable !

— Julien Rousset

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Un événement proposé par l'association Monoquini en partenariat avec le Cinéma Utopia, Radio Nova Sauvagine et la librairie La Mauvaise Réputation.
L'association Monoquini reçoit le soutien de la Ville de Bordeaux.
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Jeudi 7 avril 2016 à 20h45
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 6,50 euros ou ticket d'abonnement Utopia

CRUISING
(La Chasse)
Un film de William Friedkin
USA, 1980, couleur, 1h46
Projection numérique - VOSTFR restaurée

Avec Al Pacino, Paul Sorvino, Karen Allen...
Musique de Jack Nitzsche.

Interdit aux moins de 16 ans

New-York, 1980. Une vague de meurtres touchant le milieu homosexuel tendance cuir/SM agite la ville. Steve Burns, jeune policier ambitieux accepte d’infiltrer cette communauté et ses lieux de rencontres pour enquêter. Immergé dans un monde aux règles totalement étrangères aux siennes, obsédé par le tueur, il sombre peu à peu…

Exemplaire parcours que celui de William Friedkin, qui à lui seul résume la désormais glorieuse décennie du Nouvel Hollywood, partie d’une totale liberté accordée aux auteurs à l’inflexible reprise financière des studios après quelques échecs ayant failli causer leur perte pure et simple. Devenu en l’espace de deux films (FRENCH CONNECTION et L’EXORCISTE) l’enfant chéri du cinéma américain, il en deviendra aussi rapidement un paria après le désastre financier de ce qui reste pourtant son chef-d’œuvre, l’immense SORCERER. Mais, à la différence d’autres, rentrés dans le rang ou ayant jeté l’éponge, Friedkin ne réfrène en rien ses ardeurs et livre avec CRUISING l’un des sommets, trouble et ambigu, de sa filmographie. Cinéaste du mal, obsédé par le concept de morale, Billy le Dingue (son surnom) prend les backrooms moites du New-York interlope de la fin des 70’s comme décorum d’un récit tortueux et torturé, aussi mental que viscéral. Ou quand la chasse d’un tueur en série par un policier infiltré, devenant exploration d’un esprit déchiré par la perte de repères moraux, aboutit finalement à une réflexion sans fard sur le moteur pulsionnel humain. Énorme prise de risque et accueil à la hauteur, puisque le film sera conspué, taxé d’homophobie et fui par le public. Plus de trente ans après, on ne peut être que soufflé par l’audace thématique et formelle du cinéaste, qui sous le vernis d’un thriller sombre aux influences giallesques, propose une œuvre profondément expérimentale, aux lectures infinies. L’un des plus beaux films malades de la période, à réhabiliter d’urgence.

— Mathieu Mégemont

Le film sera suivi de la projection d'un court-métrage surprise, pour public TRÈS averti.

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Vendredi 6 Mai 2016 à 20h00
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux

Tarifs : 6,50 euros ou ticket d'abonnement Utopia, 8 euros avec POSSESSION (et un verre offert).

HORMONA
Trois films charnels de Bertrand Mandico
En présence du réalisateur et d'Elina Löwensohn.
Durée du programme : 49min.

PREHISTORIC CABARET (2013, 10 min.)
Dans l'atmosphère alcoolisée d'un cabaret islandais de troisième zone, une meneuse de revue entreprend, sur sa propre personne, de nous faire découvrir les vertiges du cinéma coloscopique.

Y'A T-IL UNE VIERGE ENCORE VIVANTE ?
(2015, 9 min.)
Une légende prétend que Jeanne d'Arc n'est pas morte au bûcher. Les yeux brulés, déflorée par un étalon anglais, elle fut condamnée à errer, tel un charognard sur les champs de bataille, en quête de chair virginale.

NOTRE DAME DES HORMONES
(2014, 30 min.)
Avec Elisa Löwensohn et Nathalie Richard, et la voix de Michel Piccoli.
Deux actrices séjournent dans une villa à la campagne afin de répéter une version transgenre d'Œdipe. Lors d'une promenade dans les bois, l'une d'elles découvre une créature informe et visqueuse qui devient un objet de convoitise pour les deux femmes, alors prêtes à tout pour posséder la chose...

Du prolixe Bertrand Mandico, on connaissait quelques courts métrages mémorables vus sur un écran d'Utopia en octobre 2014 et qui déjà échappaient à toute tentative de définition, ou a contrario inspiraient les qualificatifs les plus divers, du cinéma Bis poétique à la série Z onirique parfumée 70's, en passant par le renouveau d'un cinéma underground des fleurs du mal. L'imagination débordait et brulait les étiquettes. Ici encore, avec ce programme protéiforme réuni sous le titre d'HORMONA où l'on retrouve Elina Löwensohn, l'égérie-caméléon du cinéaste, nous voici en présence d'un cocktail visuel insolite qui célèbre le mariage de Cocteau et de Cronenberg dans un décor acidulé de giallo. Si incontestablement Mandico est un artiste sous l'influence d'un certain cinéma de second rayon, il transcende ces références à l'aune de ses propres obsessions où l'organique se mêle au végétal, composant son cadre comme un tableau fourmillant de détails changeants, expérimentant inlassablement les formes de la métamorphose en restant fidèle à la pellicule 16mm et aux trucages artisanaux : une sorte de Méliès du cauchemar baroque - paradoxalement beau, bizarre et drôle.
Vous croyez avoir déjà tout vu ? Impossible. Laissez-vous attirer par l'inconnu...

Film annonce NOTRE DAME DES HORMONES

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CARTE BLANCHE A BERTRAND MANDICO
HOMMAGE A ANDRZEJ ZULAWSKI
POSSESSION
Un film de Andrzej Zulawski
France/Allemagne, 1981, couleur, 2h04

Projection numérique - VOSTFR intégrale remastérisée

Avec Isabelle Adjani, Sam Neil, Heinz Bennent...

De retour à Berlin après une longue absence, Mark retrouve son épouse Anna et leur jeune fils Bobby dans l'appartement qu'ils occupent à la lisière du Mur. Mais le couple se déchire, Anna se dérobe et son attitude de plus en plus erratique conduit Mark à soupçonner qu'elle a un amant en la personne de Heinrich, une sorte d'aventurier mystique. Il apparait qu'Anna, sombrant progressivement dans la folie, l'a délaissé pour un être qui n'a rien d'humain.

Réalisé après le succès de scandale de L'IMPORTANT C'EST D'AIMER et le retour manqué de Zulawski en Pologne une nouvelle fois frappé par la censure, POSSESSION représente l'acmé de la fureur stylistique du cinéaste, et probablement son chef-d'œuvre. Véritable film monstre aux acteurs consumés par des rôles d'une intensité peu commune (Adjani y est littéralement possédée), il ne saurait être réduit au genre horrifique auquel il emprunte son climat d'angoisse et ses déflagrations de violence meurtrière.

Au travers du drame intime de la séparation, sous la lumière blafarde d'une ville meurtrie coupée en deux (un Berlin de rouille et de fantômes magnifiquement photographié par Bruno Nuytten), on est tenté d'y lire la parabole kafkaïenne de la perte d'identité, et plus encore d'un monde en décomposition propice à l'apparition d'une créature hideuse et maléfique, à la fois objet fantasmatique et figure de l'aliénation se nourrissant de ses victimes - notre propre double, alien n'ayant d'humain que l'apparence, prêt à se fondre dans la masse à l'aube d'un cataclysme annoncé.

Vision infernale et paroxystique d'un artiste radicalement pessimiste, POSSESSION est une œuvre viscérale inspirant autant la répulsion que la fascination. Un labyrinthe halluciné où se fracassent les êtres dans le tournoiement incandescent de leurs passions et de leur désir, tels des papillons de chair et de sang.

— Bertrand Grimault

«Zulawski poussait les acteurs à une modernité dans le jeu et à une cruauté inégalable. Il disait que l'acteur est une braise et le metteur en scène était là pour souffler cette braise et incendier l'acteur. Aucun des comédiens qui a tourné avec lui n'est sorti sans blessure ou sans cicatrice ». Francis Huster

Film Annonce

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Dimanche 5 juin 2016
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux

Tarifs : 6,50 euros ou ticket d'abonnement Utopia pour un film, 8 euros pour les deux !



DOUBLE-PROGRAMME CANNIBALES !

20H : VIRUS CANNIBALE
(Virus/L'enfer des morts vivants)
Un film de Bruno Mattei
Italie, 1980, couleur, 1h41

Avec Margit Evelyn Newton, Franco Garofalo, José Gras...
Musique de Goblin

22H15 : CANNIBAL HOLOCAUST
Un film de Ruggero Deodato
Italie, 1980, couleur, 1h35

Avec Robert Kerman, Francesca Ciardi, Perry Pirkanen...
Musique de Riz Ortolani

Projections en 35mm, versions françaises.
Interdits aux moins de 16 ans.

Au générique de fin de son réjouissant GREEN INFERNO, le cinéaste américain Eli Roth se fend d’une dédicace dévote à Ruggero Deodato et à toute une liste de films italiens formant un genre à part entière : le film de cannibales. Pour clore cette première saison de Lune Noire en festin final, voici donc un double-programme saignant dédié aux anthropophages.

En entrée : VIRUS CANNIBALE. Commis par le génial plagiaire Bruno Mattei, ce télescopage cinématographique quasi Dada braque la musique et les personnages du ZOMBIE de George Romero (qui peuvent soudain imiter Gene Kelly dans CHANTONS SOUS LA PLUIE en tutu vert), zèbre son intrigue avec des extraits d’autres films (dont des stock-shots animaliers improbables) et tient un discours alter-mondialiste avant l’heure tout en osant les séquences gores les plus crasses. Un délire total qui ne doit se savourer qu’en VF !

En plat de résistance : CANNIBAL HOLOCAUST, parangon indétrônable du genre et certainement l’œuvre la plus extrême du cinéma bis italien. Interdit dans une cinquantaine de pays, le film alimenta les rumeurs les plus folles (snuff movie ? acteurs réellement dévorés ?) Avec son équipe de reporters livrant les images ethnocentriques et sensationnalistes d’une civilisation dite “primitive”, Ruggero Deodato questionne sans mettre de gants la déontologie de ces images qui fantasment l‘autre en “sauvage”.

— Julien Rousset

Film Annonce VIRUS CANNIBALE
Film Annonce CANNIBAL HOLOCAUST

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Dimanche 2 octobre à 20h45
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux

Tarif : 6,50 euros ou ticket d'abonnement Utopia

BLIND SUN
Un film de Joyce A. Nashawati
France-Grèce, 2016, couleur, 1h28
DCP - VF et VOSTFR

Avec Ziad Bakri, Yannis Stankoglou, Louis-Do de Lencquesaing, Laurène Brun, Mimi Denissi...

En présence de la réalisatrice.

La Grèce dans un futur proche. Ashraf, un immigré solitaire, se voit confier la garde d’une luxueuse villa perdue au cœur de l’été caniculaire. Au-delà de la propriété, la région, touchée par une pénurie d’eau, est au bord du chaos social. Rapidement, l’isolement d’Ashraf fait basculer son état mental…

Le coup de fouet nécessaire donné au fantastique hexagonal sera finalement venu de deux réalisatrices francs-tireuses avec ÉVOLUTION de Lucille Hadzihalilovic et BLIND SUN de Joyce A. Nashawati. Pour ce dernier, injustement privé de sortie sur les écrans bordelais, la séance de rattrapage s’imposait ! Dès ses films courts, la jeune cinéaste fuit les stéréotypes du fantastique (pas de zombies…) et offre une vision placée sous le signe de l’Ange du bizarre cher à Edgar Allan Poe. BLIND SUN déloge ainsi l’angoisse de ses zones ténébreuses pour l’exposer à une lumière aveuglante et donner « l’impression de chaleur dans la matière-même de l’image » dixit la réalisatrice. Le récit, infusé par une inquiétude sourde, ne s’offre alors qu’au prix d’une combustion lente. Le spectateur, invité à l’envoûtement, navigue aux frontières d’une abstraction digne d’un huis-clos polanskien et se confrontera, peut-être, à l’irrésolu.
Mais le film est aussi en prise directe avec la crise européenne actuelle (inégalités sociales, monopole sur l’accès à l’eau, migrants, émeutes, répression policière), faisant de BLIND SUN une anticipation pas si dystopique que ça.
Le voyage au bout de lui-même qu’entreprend le héros, ce "cauchemar dans lequel il s’enfonce doucement", embrasse alors la crise d’une Europe étouffée et déjà agonisante.

— Julien Rousset

Film annonce

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Dimanche 30 octobre - 20h45
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux

Tarif : 6,50 euros ou ticket d'abonnement Utopia

Satan à l'écran : carte blanche à Trash Times
LA PLUIE DU DIABLE
(The Devil's Rain)
Un film de Robert Fuestl
États-Unis, 1975, couleur, 1h26, VOSTF

Avec Ernest Borgnine, William Shatner, Tom Skerritt, Ida Lupino, John Travolta, Anton Szandor LaVey...

Quand Trash Times pactise avec Utopia, c’est toujours par nuit de Lune Noire... À quelques heures du lâché de sorcières, venez célébrer Satan et son règne sur le cinéma des années 70. La grande salle prendra des airs de « Grindhouse », avec une programmation placée sous le signe de la « Satansploitation ». Ce sous-genre disséqué dans le dernier numéro de la revue Trash Times, sera à l’honneur, avec la projection de l’un de ses fleurons. LA PLUIE DU DIABLE est servi par une distribution étoilée : William Shatner, Ida Lupino, Tom Skeritt, John Travolta, et le magistral Ernest Borgnine, cinquième branche de ce démoniaque pentagramme. Indéfectible adorateur de Satan, ce dernier pose son culte dans une ville fantôme du Nouveau Mexique, qui va devenir le terrain de la lutte du Bien contre le Mal, balayé par les pluies infernales dans un climax apocalyptique et purulent. Avis d’averses sur les goreux ! sortez les parapluies ! Que le diable nous garde, cette bande a reçu la bénédiction de l’Eglise de Satan et d’Anton LaVey, qui y incarne le rôle de « Grand Prêtre » qu’il a tenu toute sa vie.

C’est encore ce dernier qui apparaît de manière fantomatique dans le film culte de Kenneth Anger proposé en avant-programme : INVOCATION OF MY DEMON BROTHER (1969). Maudit et prémonitoire, ce court-métrage déroule une galerie kaléidoscopique et psychédélique des différentes personnalités qui ont croisé la route du mage cinéaste dans la dernière moitié des années 60, au coeur de la contre-culture. On peut notamment y voir le musicien Bobby Beausoleil, qui allait tuer au nom de Charles Manson ; et les Rolling Stones rendre hommage à Brian Jones, sous le mauvais oeil des Hells Angels à Hyde Park. L’ensemble est monté selon un rituel Magick, à la gloire de la « Grande Bête, 666 », l’occultiste Aleister Crowley.

Enfin, les plus convertis pourront prolonger l’expérience satanique en participant à une cérémonie secrète qui se déroulera dans les arcanes d'Utopia, en compagnie notamment de Sononame et de Simon Girault-Têtevide (concepteur du mémorable et succulent "Vegan Holocaust" lors de notre séance du 5 juin dernier), et porter un toast au grand cornu jusqu’aux petites heures de Samhain...

Sabbat réservé aux 66 premiers détenteurs d'un billet pour la séance

Film annonce

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Mardi 29 Novembre à 20h45
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux

Tarif : 6,50 euros ou ticket d'abonnement Utopia

REQUIEM POUR UN MASSACRE
(IDI I SMOTRI)
Un film d'Elem Klimov
Russie, 1985, couleur, 2h17, VOSTF

Projection en 35mm - Copie issue des collections de la Cinémathèque de Toulouse.

Avec Alexeï Kravtchenko, Olga Mironova, Liubomiras Laucevicius, Vladas Bagdonas, Victor Lorenz...

Biélorussie, seconde guerre mondiale. Après avoir trouvé un vieux fusil, Florya, un jeune garçon, décide de s’engager aux côtés des partisans pour combattre l’oppresseur nazi. Il ne se doute pas que le chemin qu’il emprunte le fera passer, de plus en plus brutalement, de la félicité de l’enfance à l’horreur du monde adulte.

REQUIEM POUR UN MASSACRE fait partie de ces quelques rares œuvres dont on se demande encore, abasourdis, comment elles ont pu passer sous les radars de la reconnaissance cinématographique. Comble de l’ironie : au lieu d’être loué à sa juste valeur, ce film hors-norme agonisa plutôt sous l’infamante étiquette de « Nazisploitation » accolée par quelques éditeurs vidéo peu regardants. Chef-d’œuvre instantané, éblouissant de maîtrise narrative et technique, on le nommerait pourtant, en accord avec J.G. Ballard, comme le « plus grand film de guerre » jamais réalisé que ça ne nous choquerait pas. Présenté à Cannes l’année de sa sortie, la critique goûta peu sa brutalité sans fard, son traitement épique voire élégiaque des horreurs infinies du second conflit mondial. C’est qu’il est malaisé d’être pris à témoin de ce dont l’homme, dans des circonstances historiques précises, est capable de faire ou d’endurer. C’est pourtant dans son titre original, VIENS ET VOIS, tiré du Livre de l’Apocalypse que réside la clé de ce véritable « voyage au bout de l’enfer », où protagoniste et spectateur fusionnent pour une plongée viscérale et mentale de plus en plus hallucinatoire, dans une odyssée de boue et de sang, où tirs d’obus et massacres collectifs tracent les étapes constitutives d’un récit d’initiation implacablement soumis au pire.

Elem Klimov, son auteur qui travailla près d’une décennie dessus et qui ne tournera plus rien après, dirigea son jeune acteur (devenu depuis une des stars du cinéma d’action russe) sous hypnose afin de le préserver psychologiquement des horreurs qu’il lui faisait tourner. Il n’en va pas autant pour le spectateur, qui sort de la projection les sens altérés par la déflagration de ce film-monstre, dont la vision laisse des marques indélébiles. Imaginez la rencontre entre la puissance de feu d’APOCALYPSE NOW et la métaphysique de L’ENFANCE D’IVAN et vous n’aurez qu’une mince idée de ce que ce film unique vous réserve.

— Mathieu Mégemont

Séance présentée par Frédéric Thibaut, co-programmateur du festival Extrême Cinéma organisé par la Cinémathèque de Toulouse.
En présence de Vladimir Kozlov, assistant-réalisateur sur le tournage du film.

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Jeudi 29 décembre - 20h45
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux

Tarif : 6,50 euros ou ticket d'abonnement Utopia

L'ENFANT MIROIR
L'enfant Cauchemar / The Reflecting Skin
Un film de Philip Ridley
GB/Canada, 1990, couleur, 1h36, VOSTF

Avec Viggo Mortensen, Lindsay Duncan, Jeremy Cooper, Sheila Moore, Duncan Fraser, Robert Koons...

Sélectionné à la Semaine de la critique, Cannes
Léopard d'Argent, Locarno

Idaho, début des années 50. Sous un ciel immense, des champs à perte de vue, quadrillés de routes le plus souvent désertes, au bord desquelles se dressent quelques rares bâtisses.
Il y a là une station service délabrée où vivent le jeune Seth Dove et ses parents - une mère acariâtre et abusive, obsédée par l'odeur entêtante d'essence qui semble tout imprégner, un père mutique au passé trouble, se réfugiant dans la lecture de romans d'épouvante bon marché dont il marmonne des bribes à son fils. Dans cet environnement isolé, écrasé par le poids des névroses et de l'ennui puritain, de tels récits sont propices à nourrir une fantasmagorie cauchemardesque dans l'imagination fertile d'un garçon de 7 ans, observateur à la fois naïf et avide pour qui tout est signifiant.
Ainsi à ses yeux, Dolphin Blue (interprétée par la diaphane Lindsay Duncan), la femme solitaire vêtue de noir qui habite à quelques arpents, veuve vivant dans le souvenir de son époux suicidé dont elle conserve des fragments dans une boite, incarne t-elle sans conteste un vampire.
Quand Cameron, le grand frère adulé (campé par un tout jeune Viggo Mortensen), vétéran de la guerre du Pacifique où il a assisté au cataclysme d'Hiroshima, rentre auprès des siens, la relation qu'il noue avec Dolphin va cristalliser les peurs et la jalousie de l'enfant. Alors que la santé de Cameron semble mystérieusement décliner et que ses camarades de jeu sont retrouvés assassinés les uns après les autres, Seth est déterminé à précipiter la fin de celle qu'il pense être une créature maléfique, responsable du fléau qui s'abat sur la petite communauté rurale.

Le premier film du britannique Philip Ridley, écrivain et peintre de formation, évoque d'emblée dans la composition de ses plans certaines toiles d'Edward Hopper et surtout d'Andrew Wyeth, insufflant un climat étrange, étouffant, totalement imprégné de l'imaginaire gothique américain. Dans ce monde peuplé des superstitions et des angoisses de l'Amérique profonde, toute rationalité s'effondre pour laisser place à l'affrontement symbolique du Bien et du Mal et justifier des éruptions de violence aux conséquences tragiques.
Œuvre inclassable à la lisière du fantastique, L'enfant Miroir est un cauchemar en pleine lumière à l'étonnante beauté où se profile par instant l'ombre de La Nuit du Chasseur, un conte macabre et pervers vécu au travers des yeux d'un enfant qui, à trop croire de vaines apparences et à taire l'évidence, y perdra douloureusement son innocence.

— Bertrand Grimault

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