En attendant Pollet / 3

SAMEDI 20 NOVEMBRE DE 16H À 23H
Le Lieu sans nom

ÉTERNELS RETOURS
FILMS GRECS — CARTE BLANCHE À ELENI GIOTI

En sa présence

— En hommage au cinéaste résolument grec que fut Jean-Daniel Pollet, ce programme de films grecs, qui se veut sans frontières nationales, s’articule autour de l’hétérotopie que représente la Grèce dans l’imaginaire de l’Occident qui l’a fondée et la dystopie vécue par ses habitants et les exilés qui la traversent aujourd’hui. Splendeurs et misères insulaires, vestiges glorieux ou honteux, anachronismes révolutionnaires ou réactionnaires, ruines humaines et ruines de pierre – celles que Jean-Daniel Pollet a si magnifiquement cristallisé dans son film L’Ordre – composent des visions contrastées d’un pays tantôt imaginaire tantôt réel, colonisé aujourd’hui par des complexes hôteliers pour touristes voisinant des complexes concentrationnaires pour migrants.

Et pourtant, la poésie résiste. Ainsi des réfugiés syriens traversent l’île de Lesbos alors qu’un poète tchétchène accompagne leur long exode par une élégie grecque (Partie est la Syrie, partie) ; des touristes bons vivants débarquent sur l’île de Santorin dont les paysans aussi bien que les ânes sont menacés d’extinction (Matines à l’île de Théra) ; une caméra-stylo parvient à arracher de l’oubli quelques éclats intimes et fugaces du « parti pris des choses » (L’état des choses) ; la chouette de Chris Marker interroge les blessures et les fantasmes de grécité aux quatre coins du monde (Nostalgie ou le retour impossible) ; George Steiner ne reconnaît aucun lien entre la Grèce antique et la Grèce moderne, au grand désarroi de la Fondation Onassis qui confond la bataille des Thermopyles avec la résistance du peuple grec à l’occupation nazie ; à travers la fuite des corps retrouvés dans le cinéma populaire grec des années 60, des bribes de poésie grecque moderne et des airs mélancoliques de Hadjidakis, Maria Kourkouta retravaille un chagrin collectif refoulé (Retour à la Rue d’Éole) ; en guise de sacrifice pour remédier à la sécheresse d’Athènes, un village se déracine pour faire place à un barrage et les vestiges d’une ville antique glorieuse à peine découverte disparaissent sous les eaux d’un lac artificiel (La couche de destruction) ; Théo Angelopoulos rend trois visites à l’Acropole en arpentant l’Athènes de son enfance sur les épaules du poète Seferis et du peintre Tsarouchis (Athènes) ; les paroles d’un poète palestinien né dans un camp de refugiés en Syrie et exilé en Suède circulent dans un camp de détention de migrants près de Thessalonique (Kordelio Concentration Camp) ; les paroles de poètes grecs exilés sur l’île déserte et désertique de Makronissos résistent à la propagande nationaliste du régime de la guerre civile et aux ruines d’un camp de concentration qui hante toujours la mémoire grecque (Comme des lions de pierre à l’entrée de la nuit).


ELENI GIOTI
Née en 1982 à Thessalonique, Eleni Gioti vit et travaille entre Paris et Athènes. Elle mène des recherches et des réalisations dans le domaine du cinéma expérimental et documentaire. Actuellement, elle co-dirige Light Cone, association parisienne pour la distribution, la connaissance et la sauvegarde du cinéma expérimental.

16H

PARTIE, LA SYRIE EST PARTIE
Jazra Khaleed

Grèce / 2016 / numérique / couleur / 8 min. / VOSTF
« Un jour, la Syrie décide de partir. Elle rassemble ses mots et ses effets personnels, son espace aérien et ses forces terrestres, elle prend sa position géopolitique et s’en va. » Un poème déchirant sur la dévastation et le déracinement, écrit dans la tourmente de la guerre civile en Syrie et de l’exode de sa population.

MATINES À L’ILE DE THERA*
Kostas Sfikas & Stavros Tornes

Grèce / 1967 / 16mm transféré en numérique / n&b / 20 min. / sans paroles
Une caméra fébrile parcourt les ruelles et montées du village de Santorin, captant les mœurs, les rituels, les activités quotidiennes, l’agitation touristique, puis s’échappe par les chemins pierreux d’une campagne où les paysans peinent à cultiver et à vendre leur maigre production. Sans un mot de commentaire, des images qui nous parlent de beauté, de pauvreté et d’oppression.

L’ÉTAT DES CHOSES
Konstantinos Hadzinikolaou

Grèce / 2013-2015 / Super-8 transféré en numérique / couleur / 2 min. / silencieux
Trois ans de vie en deux minutes.

NOSTALGIE OU LE RETOUR IMPOSSIBLE (L’héritage de la chouette IV)
Chris Marker
Grèce-France / 1989 / 16mm transféré en numérique / 27 min. / VF et VOSTF
Il y a les mots de Pollet et il y a les mots de Marker. Fruit d’une proposition de ce dernier auprès de la Sept (ancêtre d’Arte), L’HÉRITAGE DE LA CHOUETTE est une série de 13 épisode de 26 minutes partant à la rencontre d’artistes, d’historiens, de philosophes, d’écrivains, prenant pour point de départ des mots de racine grecque à travers desquels sont questionnées les valeurs de la Grèce Antique et son héritage universel au cours des siècles. Précisément, ce quatrième épisode interroge la « Nostalgie » qui, selon certains intervenants, serait le mot qui définirait le mieux les grecs, entre une histoire tourmentée par tant d’exils et le poids d'un héritage antique qui est revendiqué par toute l’humanité.

18H

RETOUR À LA RUE D’ÉOLE (SIX PEINTURES POPULAIRES)
Maria Kourkouta

Grèce / 2013 / 16mm transféré en numérique / n&b / 14 min. / VOSTF
Fragments insignifiants, retravaillés, remontés, ralentis et mis en boucle, de films populaires grecs des années 50 et 60. Ces fragments sont accompagnés par des extraits très courts de poèmes d’auteurs grecs et par la musique de Manos Hadjidakis. Un collage audio-visuel qui évoque un voyage de retour à la Grèce contemporaine, au centre d’Athènes.

LA COUCHE DE DESTRUCTION*
Kostas Vrettakos

Grèce / 1980 / 16mm transféré en numérique / couleur / 32 min / VOSTF
La construction à la fin des années 70 d’un barrage collectant les eaux de la rivière du Mornos pour alimenter Athènes en eau potable provoqua l’abandon du petit village agricole de Vélouchovo dont les habitants furent contraints de vendre leurs terres à l ‘état grec, et conduisit aussi à la destruction des vestiges de la ville antique de Kallipolis (« la belle ville » en grec ancien). Le documentaire de Kostas Vrettakos, réalisé sur une période de deux années, capte la vie quotidienne du village et suit les étapes du chantier de fouilles archéologiques, voués à un destin commun - la disparition sous les eaux. Avec sobriété, le film devient une allégorie sur la mémoire, livrant un commentaire politique sur la manière dont la croissance d'Athènes a amené à la destruction de la vie rurale en Grèce.

ATHÈNES, RETOUR SUR L’ACROPOLE
Théo Angelopoulos

Grèce / 1983 / 35mm transféré en numérique / couleur / 43 min. / VOSTF
Qu'est-ce qu'Athènes sinon la conscience de l'Europe ? Théo Angelopoulos puise dans les mythes, l'Histoire et ses souvenirs pour nous livrer un portrait très personnel de sa ville natale. Court métrage destiné à faire partie d'une série de documentaires télévisés sur les capitales culturelles européennes, le film est écrit comme un journal intime, filmé comme du théâtre, inspiré comme un poème.

20H30

KORDELIO CONCENTRATION CAMP
Jazra Khaleed, Yannis Karamitros, Sylvain L'Espérance

Grèce / 2019 / numérique / couleur / 9 min. / VOSTF
Une allégorie du Massacre, dévorateur de peuples. Sur un texte de Ghayath Almadhoun, poète palestinien né dans un camp de réfugiés en Syrie, un long travelling avant parcourt la pénombre d’un hangar immense où sont alignées des tentes innombrables. D’un camp à l’autre, nous sommes ici à Kordelio, à Thessalonique en Grèce. Lui succède un poème du poète tchétchène Jazra Khaleed, Ghayath dit (sur la guerre qui arrive), un mea culpa à la fois tragique et ironique au nom de tous les réfugiés fuyant la guerre.

COMME DES LIONS DE PIERRE À L’ENTRÉE DE LA NUIT
Olivier Zuchuat

Suisse-France-Grèce / 2012 / numérique / couleur et n&b / 87 min. / VOSTF
Entre 1947 et 1951, plus de 80 000 hommes, femmes et enfants grecs ont été internés sur l’îlot de Makronissos dans des camps de rééducation destinés à lutter « contre l’expansion du communisme ». Parmi ces déportés se trouvaient de nombreux écrivains et poètes, dont Yannis Ritsos et Tassos Livaditis. Malgré les privations et les tortures, ces exilés sont parvenus à écrire des poèmes qui décrivent leur (sur)vie dans cet univers concentrationnaire. Ces textes, pour certains enterrés dans le sol du camp, ont été retrouvés. Le film d’Olivier Zuchuat mêle ces écrits poétiques avec des discours de rééducation politique qui étaient diffusés en permanence dans les haut-parleurs des camps. De longs travellings, tels des mouvements hypnotiques, arpentent les ruines des camps et “se heurtent” aux archives photographiques. Un essai filmé qui ranime la mémoire de ruines oubliées et d’une bataille perdue.

*Avec l’aimable participation de la Cinémathèque de Grèce - Greek Film Archive et du Centre du cinéma grec - Greek Film Centre