PROGRAMME JEAN-DANIEL POLLET

— Films en version restaurée
— Séances en présence de Jean-Paul Fargier

LUNDI 22 NOVEMBRE — 14h30
MARDI 23 NOVEMBRE — 14h30

Cinéma Utopia

Séances en accessibilité / audiodescription optionnelle par Le Cinéma Parle.
Présentation par Marie Diagne.

L’ACROBATE
France / 1976 / couleur / 1h41
Avec Claude Melki, Guy Marchand, Laurence Bru, Micheline Dax, Denise Glaser…
Musique d’Antoine Duhamel.

Prix de la critique au Festival du film d’humour de Chamrousse, 1976.

Léon, un employé de bains-douches timide et gauche est amoureux de Fumée, une prostituée. Pour la séduire, il devient champion de tango.
Ce petit bijou du cinéma français des années 70 semble faire le grand écart entre la part expérimentale de l’œuvre de Jean-Daniel Pollet que nous explorons dans le présent programme, et la veine tragi-comique de ses fictions, proche des chroniques sociales de Jean Renoir et des grands burlesques muets. Pourtant, quelle que soit la main qui filme, Pollet reste, selon Noël Simsolo, ce cinéaste « poète du mouvement et de la forme », mettant constamment en scène un réseau de signes et de correspondances.

Dans L'Acrobate, cette poésie repose pour beaucoup sur le corps élastique de Claude Melki dans l’apprentissage de cette danse hautement rituelle et érotique qu’est le tango. Le moindre regard, geste, déplacement de ce formidable acteur, qu’on a beaucoup comparé à Buster Keaton, magnétise immédiatement l’image. Le tout jeune Jean-Daniel Pollet avait découvert cet apprenti tailleur à la bouille lunaire dans un dancing de Nogent, lui donnant le rôle principal dans son premier court métrage, Pourvu qu’on ait l’ivresse (1957), avant de le faire tourner à six autres reprises, jusqu’à Contretemps, 30 ans plus tard.

Sous l’apparence de la comédie et du divertissement, L’Acrobate est aussi un film sur la solitude, où le rire se fait parfois mélancolique mais où la danse, dans de purs moments de grâce et de sensualité, élève les personnages au-dessus de leur modeste condition.

— Créatrice et interprète pour l’enregistrement ou le direct, Marie Diagne accorde une très grande attention à la voix, au timbre, au rythme, afin de se glisser avec discrétion et justesse dans le monde sonore des œuvres qu’elle accompagne. Venez découvrir L’ACROBATE dans une version augmentée : un véritable cinéma pour l’oreille.

— La version audiodécrite du film sera accessible grâce à l’application TWAVOX.
Il suffit de télécharger cette application sur votre smartphone et de venir à la projection avec vos écouteurs. Si vous souhaitez une assistance pour le téléchargement de l’application, vous pouvez d'ores et déjà prendre contact avec le cinéma Utopia (Tel. 05 56 52 00 15).

— Cette version en audiodescription de L’ACROBATE est présentée avec l’aimable concours du Festival de cinéma de La Rochelle, en partenariat avec l'UNADEV.

LUNDI 22 NOVEMBRE — 20h30
Cinéma Utopia

TU IMAGINES ROBINSON
France / 1967 / couleur / 86 min.
Avec Tobias Engel, Maria Loutraki.
Images : Yann Le Masson.

Fable utopiste davantage inspirée du roman Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier que du Robinson Crusoé de Daniel Defoe, TU IMAGINES ROBINSON s’éloigne de la fiction linéaire pour pénétrer l’intériorité d’un homme condamné à la solitude sur une île déserte.
Entre apocalypse et récit initiatique, à partir de la figure mythique du naufragé et de son Odyssée immobile, Pollet décrit l’apprentissage du réel par un être en lutte avec les éléments et les mirages, dans un paysage dépeuplé où l’imagination devient la seule arme contre le désespoir.
Il s’agit de survivre dans un monde d’objets réinventés avec ce que la mer rejette sur le rivage, de maintenir un lien avec la parole, fut-elle proche de la folie.
Cet homme est-il l’ultime survivant d’une guerre totale ? Ou bien est-il tombé à l’intérieur de lui-même ?

Le scénario de Remo Forlani et le commentaire écrit par le romancier Jean Thibaudeau sur le film tel qu’il se déroule sous nos yeux s’interpénètrent et brouillent les pistes. L’acteur Tobias Engel, oubliant qu’il est en train de jouer un rôle, part à la dérive avec son personnage, empruntant un chemin au-delà de la fiction. L’imagination, et d’abord celle du spectateur, est ici à la proue.

MARDI 23 NOVEMBRE — 20h30
Cinéma Utopia

L’ORDRE
Co-réalisation : Maurice Born

France / 1973 / couleur / 44 min / VOSTF
Avec Epaminondas Remoundakis.

Sur une commande de la Cinémathèque des laboratoires pharmaceutiques Sandoz, qui avait financé un de ses précédents courts métrages (LE HORLA, en 1966), Jean-Daniel Pollet s’associe à Maurice Born, chercheur à l’Institut de l’Environnement, pour réaliser un documentaire sur l’île de Spinalonga en Crète. Le gouvernement grec y réquisitionna un ancien fort vénitien pour reléguer les lépreux, entre 1904 et 1956. Les malades, considérés comme des prisonniers, furent d’abord gardés par d’anciens bagnards, et le suivi médical y était des plus rudimentaires. En 1948, malgré la découverte d’un médicament qui stoppe le mal, la lèpre reste l’objet de superstitions : « Ne me regarde pas dans les yeux parce qu’on l’attrape par le regard », ironise Remoundakis, avocat érudit et porte-parole de cette communauté de parias, lui qui a été incarcéré pendant 36 ans sans être coupable d’aucun crime. Qui sont les monstres ? Les patients rongés par la lèpre ou le corps médical, agent de l’exclusion et de l’enfermement ? Spinalonga est l’île des morts-vivants. L’homme à la voix rocailleuse et au visage crevassé comme les murs de la forteresse désormais abandonnée, témoigne, dénonçant la ségrégation sociale et le totalitarisme sanitaire.

Précédé de

LA MAISON EST NOIRE
(Khaneh Siah Ast)
Forough Farrokhzad

Iran / 1963 / n&b / 22 min. / VOSTF

Grand prix au festival d’Oberhausen, 1963

Le quotidien des lépreux dans un hospice de Tabriz, en Azerbaïdjan, par les yeux de Forough Farrokhzad, personnalité essentielle de la culture contemporaine en Iran, disparue prématurément. L’unique film qu’elle a réalisé dépasse avec un rare degré d’incandescence le constat documentaire en amenant un sujet tabou dans la sphère du « cinéma de poésie », captant sans fard, avec compassion, à la manière d’une eau-forte de Goya ou à l’instar de Buñuel avec son film TERRE SANS PAIN, un monde humain habituellement relégué dans les ténèbres.

Projection 35mm — copie restaurée par le CNC
Avec l’aimable autorisation de Mr Ebrahim Golestan

JEUDI 25 NOVEMBRE — 20h30
Cinéma Utopia

CONTRETEMPS
France / 1988 / couleur et n&b / 110 min.
Avec Philippe Sollers, Julia Kristeva, Boris Pollet, Leïla Geissler, Antoine Duhamel, Claude Melki.

Une manière radicale d’envisager la reprise, le retour sur images, avec l’idée d’un film-testament qui devient un film-opéra et relance les dés. Si tous les films de Pollet venaient à disparaître, il resterait CONTRETEMPS.
À partir de la matière de six de ses films antérieurs littéralement mis en pièces et de fragments d’un documentaire de Jean Baronnet, SKINOUSSA, PAYSAGE APRÈS LA CHUTE D’ICARE, Jean-Daniel Pollet et la monteuse Françoise Geissler opèrent une véritable réflexion sur le temps, le travail, la lumière et le cinéma. « Pourquoi et comment passer d’un plan à l’autre ? » s’interroge ce film-gigogne. Ce qui au final agence les cinquante-trois blocs d’images prélevés sans hiérarchie dans le matériau filmique préexistant, c’est la parole mélodique de la psychanalyste Julia Kristeva et de son mari, l’écrivain Philippe Sollers, brodant autour des mots-clés établis par le cinéaste.

VENDREDI 26 NOVEMBRE — 18H30
Salle de la cheminée - Cinéma Utopia

Nombre de places limité. Sur réservation : info@monoquini.net / 06 20 94 83 42

Conférence de Corinne Maury
De la Méditerranée « au monde qui vient chez moi » : désorientations et méditations dans le cinéma de Jean-Daniel Pollet

Le cinéaste-poète Jean-Daniel Pollet n’a cessé tout au long de sa vie de filmer des pierres rongées par l’ardeur du temps. Ses essais cinématographiques, MÉDITERRANÉE, BASSAE, L’ORDRE, TROIS JOURS EN GRÈCE, DIEU SAIT QUOI, invitent à une circulation désorientée entre la Grèce et la Provence, entre là-bas et ici. Voyager, récidiver, méditer… Jean-Daniel Pollet sillonne les chemins hétérogènes du monde hellénique, convoque les temples mythiques et célèbre l’anachronie. Les formes antiques s’accrochent au présent technologique, et l’ancien s’agrafe au contemporain. De film en film, du dehors au dedans, il s’agit toujours, pour le cinéaste, de célébrer la circulation vive du regard .

Conférence suivie, à 20h30, de la projection de TROIS JOURS EN GRÈCE :

TROIS JOURS EN GRÈCE
France / 1990 / couleur / 90 min.

Répondant à une invitation à participer à un colloque en Grèce, sa « seconde patrie », Jean-Daniel Pollet prend les chemins buissonniers et entreprend de réaliser ce qui sera un ultime voyage baigné de lumière méditerranéenne près de 30 ans après le tournage inaugural autour de ce « pays multiple, faussement endormi ». Car en 1990, le cinéaste, tournant des bouts d’essais près d’une voie ferrée, est happé par un train. S’il échappe à la mort, il en restera physiquement diminué. Contraint à l’immobilité, sa maison de Cadenet, en Provence, devient le centre du monde et le point à partir duquel se tracent de nouveaux itinéraires imaginaires. L’œil mobile de la caméra dessine alors des trajectoires qui s’affranchissent de toute contiguïté spatiale et entraine le spectateur dans un espace complexe, démultiplié, atemporel : désormais c’est le regard qui voyage. Les images d’actualité de la Guerre du Golfe et les reproductions de peintures de combats mythologiques sur les vases grecs antiques conjuguent les époques, pratiquant l’anachronisme par le montage, réactivant les apparences d’un monde que l’on ne regarde plus et rappelant ces mots de Georges Didi-Huberman : « Devant une image, nous avons humblement à reconnaître ceci : qu’elle nous survivra probablement, que nous sommes devant elle l’élément fragile, l’élément de passage, et qu’elle est devant nous l’élément du futur, l’élément de la durée. L’image a souvent plus de mémoire et plus d’avenir que l’étant qui la regarde. »
Ce film est un voyage dans une Grèce aussi éternelle que présente.

SAMEDI 27 NOVEMBRE — 15H
Cinéma Utopia

JOUR APRÈS JOUR
Jean-Daniel Pollet et Jean-Paul Fargier

France / 2006 / couleur / 65 min.

« J'essaie de mettre autant d'énergie dans l'image que cette fleur m'en donne », dit Jean-Daniel Pollet en ouverture de JOUR APRÈS JOUR, son film posthume. Contraint de séjourner dans sa maison provençale de Cadenet suite à un très grave accident, le cinéaste entreprend de réaliser envers et contre tout son ultime film uniquement à partir de photographies. De milliers de photos prises « jour après jour », saison après saison, durant une année. Sur une voix off écrite par Jean-Paul Fargier, se succèdent, dans un temps suspendu, un peu de neige sur une écorce d’orange, une figue ouverte, les champs en face de la maison, des fleurs coupées… Des natures mortes comme autant de tableaux encore vivants (« still life » en anglais), pour contrer l’oubli et l’inéluctable fin.
« J’aimerai mourir en prenant une avant-dernière photo », ciselle Fargier en guise de mystérieux testament pour son ami.

Séance présentée par Jean-Paul Fargier

DIMANCHE 28 NOVEMBRE — 20H30
Cinéma Utopia

REPRISE :

MÉDITERRANÉE
Jean-Daniel Pollet

France / 1963 / couleur / 45 min.
Texte de Philippe Sollers
Musique d’Antoine Duhamel

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GRADIVA - ESQUISSE 1
Raymonde Carasco

France / 1978 / couleur / 25 min.

À l’origine de cette « esquisse », il y a la nouvelle éponyme de l’écrivain allemand Wilhelm Jensen et en arrière-plan la célèbre analyse qu’elle a inspirée à Freud : la fascination et le délire qu’exercent un bas-relief découvert sous les cendres de Pompéi, figurant de profil une jeune patricienne d’allure grecque, figée élégamment dans sa marche et dans les plis de sa toge. Raymonde Carasco formule ici une série de variations tentant de capter l’instant suspendu, la cambrure du pied nu sur le point de se poser sur la dalle, dans la chaleur vibrante du jour.

HÉRACLITE L’OBSCUR
Patrick Deval

France / 1967 / couleur / 20 min.
Avec Abdallah Chahed.

Un péplum philosophique narré par la voix de Charles Denner.

Séance en présence de Patrick Deval

— Les copies de GRADIVA - ESQUISSE 1 et de HÉRACLITE L’OBSCUR sont issues des collections de La Cinémathèque de Toulouse.