Le court métrage serait-il au cinéma ce que la nouvelle est au roman ? Un précipité, une fulgurance, un jeu d’équilibre, un art de la concision ? Un mardi soir par mois au Cinéma Utopia, LES ÉPISODES vous proposent de vérifier cette hypothèse, palliant à la rareté de ce genre en soi dans les salles obscures, en dehors des festivals spécialisés. Il s’agit de réunir thématiquement des œuvres qui échappent aux modes de production et de diffusion conventionnels et d’explorer des archipels cinématographiques peu connus. Ce sont des films d’artistes et de cinéastes-plasticiens, des films-essais, des expérimentations couvrant une vaste étendue d’expressions et de pratiques audiovisuelles - de l’argentique au numérique, du cinéma d’animation au documentaire de création en passant par les infinies nuances de la fiction. Chaque séance présente une diversité de réalisations, mêlant films anciens et récents de toute nationalité, certains inédits en France, composant les chapitres d’un récit imaginaire au long cours.

MARDI 10 MAI 2022 — 20H15
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 7€ ou Ticket abonnement



Eran May-Raz & Daniel Lazo, SIGHT

ÉPISODE 3 / MACHINES DE VISION

— Publié en 1940, « L’invention de Morel » de l’écrivain argentin Adolfo Bioy Casares décrit une machine qui enregistre la vie dans toutes ses dimensions et les restitue sous forme d’hologrammes. L’année suivante, l’ingénieur allemand Konrad Zuse met au point le Z3, premier ordinateur programmable en calcul binaire préfigurant l’informatique.
En 1964, c’est l’écrivain de SF américain Daniel F. Galouye, dans son roman SIMULACRON 3, porté à l’écran en 1973 par R.W. Fassbinder (LE MONDE SUR LE FIL), qui imagine une machine capable de simuler un monde virtuel habité. En 1992, le réalisateur Neal Stephenson créé le terme de « Metavers » dans son film « Le Samouraï virtuel », où un monde parallèle est implémenté dans le monde réel, anticipant le projet « Horizon Worlds », lancé en 2021 par Meta (ex-Facebook), qui cherche à créer une « réalité artificielle » à une échelle industrielle inédite.

Ce ne sont que quelques exemples pour éclairer le fait que les prothèses de perception qui prolifèrent aujourd’hui dans le champ de l’innovation numérique, bouleversant notre rapport au monde et au temps, sont d’abord nées dans l’imaginaire fantastique et le roman d’anticipation. La longue histoire du futur, tel qu’il a été prédit dans la littérature et le cinéma de science-fiction, les jeux vidéo ou encore le cyberspace, nous permet d’inventorier les scénarios avérés, abandonnés ou restant à confirmer.

Il faut cependant remonter aux mythes, contes et légendes pour trouver le désir de l’être humain de s’affranchir des limites du temps et de l’espace, à l’instar d’Icare bravant les lois de la gravité à la conquête du ciel ou des bottes de sept lieues abolissant les distances avant de voir apparaître beaucoup plus tard le premier « cheval-vapeur ». Pendant des siècles, les inventeurs et ingénieurs se sont abreuvés aux source du rêve, concrétisant les métaphores mythiques, créant des machines comme contrepoint à la condition de l’homme, avec la vocation de le libérer des fardeaux de l’existence et de contribuer à l’émergence d’un nouvel Être. Néanmoins, depuis la première révolution industrielle et aujourd’hui de façon prédominante dans le débat public, les utopies techniciennes et la propagande du progrès se voient contestées par les inquiétudes que génère l’avènement d’un « robot sapiens » hyper-connecté mais aux sens émoussés, se détachant progressivement de ses racines biologiques, vivant dans un réel fragmenté par des présences synthétiques et des transunivers parallèles en nombre infini. Par le surgissement permanent du virtuel dans les moindres interstices du quotidien, les technologies « smart » sont devenues les nouvelles drogues ré-enchantant un monde clos sur lui-même, où l’avenir, décidément, n’est plus ce qu’il était.

Ce programme interroge la fusion/confusion de l’œil humain et de la machine, décrivant quelques expériences de « vision augmentée » où les mirages numériques nourrissent désormais la psyché collective.

Au programme :

LA TÉLÉVISION, ŒIL DE DEMAIN de J.K. Raymond Millet
(France / 1947 / extrait de 4 min.)
SIGHT d’Eran May-Raz & Daniel Lazo (Israël / 2012 / 8 min. / VOSTFR)
EL RUIDO SOLAR de Pablo Hernando (Espagne / 2020 / 16 min. / VOSTFR)
WOLKENSCHATTEN d’Anja Dornieden & Juan David Gonzalez Monroy
(Allemagne / 2014 / 17 min. / VOSTFR)
ZUSE STRIP de Caspar Stracke (Allemagne-USA / 2003 / 8 min. / VOSTFR)
MIRROR MECANICS de Siegfried A.Fruhauf (Autriche / 2005 / 35mm / 8 min.)
BAROQUE FEMINA (NR.7-11) de Péter Lichter (Hongrie / 2020 / 15 min.)

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Péter Lichter, BAROQUE FEMINA (NR.7-11)

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Durée totale du programme : 1h16

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