LUMIÈRES

Carte blanche à l'association Monoquini


Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarifs : 7€ par séance ou Ticket abonnement



— « Le film dans le film » : le cinéma retourne parfois le miroir pour se réfléchir, révélant à l’écran ses conditions de production et d’existence au travers des éléments matériels qui le constituent (la salle et son décor, la cabine de projection, le support filmique…). Les 20 ans d’Utopia-Saint-Siméon sont l’occasion d’entrouvrir une fenêtre sur les coulisses du cinéma, sur l’engagement et l’imaginaire des personnes qui le font vivre et s’y ressourcent, du chasseur d’images à l’opérateur-projectionniste, sans oublier le spectateur lui-même.

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VENDREDI 6 SEPTEMBRE 2019 — 20H30
En présence de Jean-Christophe Garcia, Philippe Fernandez
et Bernard Blancan

Avec le concours de l'ALCA Nouvelle-Aquitaine

REPRISES
Jean-Christophe Garcia

France, 1993-2006, n&b, 19 min.
En 1995, Jean-Christophe Garcia publiait « Des cinémas, inventaire subjectif des cinémas de village en Aquitaine » (Le Festin / A.R.P.A.). À l’origine de cet ouvrage de photographies, de nombreux plans de façades de cinémas, aujourd’hui pour la plupart disparus, avaient été réalisés en pellicule Super 8 noir et blanc. REPRISES est un voyage dans le temps au travers de ces séquences.
Initialement muet, le film sera accompagné par une improvisation musicale de Jean Rougier (contrebasse) et Didier Lasserre (batterie).

Liens :
à propos de Jean-Christophe Garcia
Jean Rougier
Didier Lasserre

CONTE PHILOSOPHIQUE (LA CAVERNE)
Philippe Fernandez

France, 1998, n&b, muet, 14 min.
Projection 35mm
Avec Bernard Blancan
Écrit à l’occasion du centenaire du cinématographe en 1995, ce « conte philosophique » puise son inspiration dans la fameuse « allégorie de la caverne » que nul ouvrage traitant de cinéma n’omet de citer. Platon y décrit un dispositif de projection naturelle d’ombres animées visibles au fond d’une caverne, et tenues pour des objets réels par des esclaves qui y sont enchaînés. Ici, la caverne-cinéma est un monument anachronique se dressant en pleine nature comme le vestige d’une civilisation défunte, où le projecteur tourne à vide. Parmi les spectateurs, un homme se libère de sa torpeur et part explorer l’origine mystérieuse de la lumière.

www.philippe-fernandez.info

CARMEN
Anja Salomonowitz

Autriche, 1999, couleur, 23 min., VOSTF
Le portrait véridique de Carmen Martinek, une jeune femme qui nourrit une passion irrationnelle vis-à-vis des petites salles de cinéma de Vienne, au point d’en tomber amoureuse. Elle a fait du Kino Schikaneder son « partenaire particulier », au grand dam du gérant. Elle y fait le ménage, caresse les sièges, y dort. Une relation de dépendance quasi érotique s’est établie entre la cinéphile excentrique et la salle obscure.

www.anjasalomonowitz.com

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MARDI 10 SEPTEMBRE — 20H30

TALKING ABOUT TREES
Suhaib Gasmelbari

France-Soudan-Allemagne-Tchad-Qatar, 2019, couleur, 1h33, VOSTF

Prix du Meilleur Documentaire, et Prix du Public, Berlinale 2019
Prix spécial du jury et Prix FIFRESCI, Festival d'Istanbul, 2019

Ibrahim Shaddad, Suleiman Ibrahim, Manar al-Helou et Al Tayeb Mehdi sont amis depuis plus de quarante-cinq ans. Ils ont quitté leur pays d’origine dans les années 1960 et 1970 pour étudier le cinéma à l’étranger et fonder à leur retour le « Sudanese Film Group » en 1989. Après des années d’éloignement et d’exil, ils se réunissent et espèrent enfin réaliser leur vieux rêve : ramener le cinéma au Soudan en réinvestissant un ancien lieu de projection à ciel ouvert à Khartoum, et ainsi transmettre leur passion du 7ème art à une population qui n’a pas pu voir de films en salles et n’a pas accès au cinéma indépendant. Leur projet rencontre de nombreux obstacles, dans un contexte de censure et de répression politique.

— Suhaib Gasmelbari est né au Soudan en 1979. Il étudie le cinéma en France à l'Université Paris VIII et réalise des courts métrages de fiction : Oda Nagam (2012) ou documentaire : Sudan's Forgotten Films (2018). Très intéressé par les archives audio-visuelles, il a retrouvé des films soudanais considérés comme perdus. Il s'est engagé dans des projets locaux et internationaux ayant pour but de sauver et numériser les films soudanais, parmi eux, ceux des protagonistes de son premier long métrage, Talking about Trees.

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MERCREDI 18 SEPTEMBRE — 20H30

DAWSON CITY : LE TEMPS SUSPENDU
(Dawson City: Frozen Time)
Bill Morrison

États-Unis, 2016, n&b et couleur, 1h56, VOSTF
Musique de Alex Somers

En 1978, à Dawson, ville pionnière de la ruée vers l’or au début du XXème siècle dans le nord du Canada, des travaux d’excavation mettent à jour des centaines de bobines de films 35mm, enterrées 50 ans plus tôt dans une ancienne piscine et oubliées depuis. Conservés dans le permafrost, ces rouleaux de pellicule s’avèrent être des copies nitrate de films de l’âge d’or du muet, certains titres étant jusqu’alors considérés comme perdus par les historiens.
Bill Morrison, en documentaliste méticuleux et en archéologue de la mémoire argentique, assemble et réanime les images extirpées de leur long sommeil, entremêlant l’histoire mouvementée de Dawson et la découverte miraculeuse de ces films rares, aujourd’hui déposés aux Archives Nationales du Canada à Ottawa et à la Librairie du Congrès à Washington.

— Originaire de Chicago, Bill Morrison a été associé au mileiu du cinéma expérimental dès ses premiers courts métrages (Footprints, 1992; The Death Train, 1993) où il a recours au Found Footage (« films trouvés »), à la réappropriation d’images issues du pré-cinéma ou du cinéma des origines, traitées chimiquement au sein d’un montage subjectif. Le caractère onirique de ses films accède à une nouvelle dimension avec The Film of Her (1996), réalisé à partir de rouleaux de films en papier, seul témoignage ayant survécu des premières images cinématographiques tournées aux États-Unis et sauvées par un archiviste de la Library of Congress de Washington. À partir de Decasia (2002), Bill Morrison explore les archives cinématographiques et les cinémathèques en quête d’images rares et oubliées de l’ère du muet (« silent era ») et réalise des fresques animées en collaboration avec des compositeurs prestigieux, des sortes d’opéras argentiques. Son travail a été récompensé par de nombreux prix. The Great Flood (2013) a reçu le Smithsonian Ingenuity Award en 2014 pour ses travaux de recherche historique. Dawson City: Frozen Time (2016) a remporté le Prix de la critique pour le documentaire le plus innovateur de l'année et a été nommé meilleur documentaire de 2017 par la Boston Society of Film Critics.

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SAMEDI 21 SEPTEMBRE — 22H

THE LAST MOVIE
Dennis Hopper

États-Unis, 1971, 1h44, couleur, VOSTF
Avec Dennis Hopper, Stella Garcia, Don Gordon, Samuel Fuller, Henry Jaglom, Tomás Milián, Michelle Phillips, Peter Fonda, John Phillip Law, Dean Stockwell, James Mitchum…

Grand prix au Festival de Venise, 1971

À la lumière vacillante du feu, Hopper réfléchit aux films - ils produisent un tel effet sur ceux qui les font, et un effet encore plus puissant sur ceux qui les regardent. Les films font déjanter les spectateurs, comme sa mère qui rêvait d’avoir épousé Errol Flynn plutôt qu’un épicier.
Encore plus délirant ? Dans six semaines le tournage (NB : « Les Quatre Fils de Katie Elder » d’Henry Hathaway, 1965) mais les décors resteront sur place.
Big Duke (John Wayne) a de grands projets pour Durango. Sur la place, devant l’hôtel, Wayne lève le poing et le plonge dans la plaque de ciment humide préparée par les villageois, un rituel grossier imitant la cérémonie de la prise des empreintes de mains devant le Grauman’s Chinese Theatre. Il est déterminé à faire de Durango son Éden personnel, un endroit où s’installer et où faire des westerns, travailler le jour et dormir la nuit bercé par les serpents à sonnettes. Oubliant complètement que ces villageois vivent maintenant dans un décor de Far West. Quand ils se baladeront et traverseront ces façades, commenceront-ils à confondre leurs vies simples avec le monde rêvé des films ? Glisseront-ils au-dessus de cette ligne imaginaire et se comporteront-ils comme des cow-boys de cinéma, tirant sur tout ce qui bouge, suscitant colère et violence réelles ? Qu’est-ce qui va bien pouvoir arriver aux villageois, putain ?
Big Duke prend Hopper à part. « Tu dois décrocher de cette herbe folle, garçon. »

(in « Born to be Wild — Dennis Hopper, un voyage dans le rêve américain », Tom Folsom, Rivages, 2014)

Kansas, un cascadeur du Midwest, est figurant sur un western de série B qui se déroule dans un village isolé au Pérou. À la fin du tournage, toute l’équipe rentre à Hollywood, à l’exception de Kansas qui décide de rester avec une jeune prostituée et de se lancer en quête d’un filon d’or. Les villageois, à l’aide d’artefacts en bambou reproduisant le matériel technique, investissent le décor abandonné et improvisent un remake du western où la fiction cinématographique devient un rituel religieux dont Kansas, dans le rôle de Billy the Kid, devient la victime expiatoire.

Suite au succès phénoménal de EASY RIDER en 1969, Dennis Hopper se voit propulsé comme le héraut d’une nouvelle génération d’apprentis-cinéastes rompant avec les conventions d’une production Hollywoodienne à bout de souffle et déconnectée des réalités sociales. Le studio Universal mise alors sur la conquête de ce jeune public en bute avec les valeurs traditionnelles en accordant à l’acteur-apprenti réalisateur fantasque de 33 ans, pour son deuxième film, un budget confortable et en lui laissant la liberté du montage final. D'emblée, Hopper proclame que THE LAST MOVIE sera le chef-d’œuvre d’un nouveau cinéma d’art & essai américain.
Le tournage se déroule à 7000 km d’Hollywood et à plus de 3000 mètres d'altitude, dans le village de Chinchero dans la Cordillère des Andes, alors plaque tournante du trafic international de cocaïne, attirant tout le gotha de la contre-culture californienne. Les sept semaines épiques de tournage, qui implique l’acheminement de sept tonnes de matériel dans la montagne et le transport de chevaux par avion-cargo depuis les États-Unis, sont décrites par ses participants comme une expérience hors-norme où s’entremêle réalité et fiction, mais où les conditions climatiques sont éprouvantes et où l’ambiance de débauche permanente provoque l’hostilité des autorités locales.
En artiste démiurge et illuminé, sous l’emprise de multiples addictions, Hopper mettra un an dans son Mud Palace de Taos au Nouveau Mexique (l'ancienne demeure de la mécène Mabel Dodge Luhan, "protectrice" de D.H.Lawrence), à brasser 42 heures de métrage, épuisant plusieurs monteurs, dont Alejandro Jodorowski, pour livrer une version exploitable de son western postmoderne censé clouer au pilori le colonialisme yankee et détruire le mythe du rêve américain.

Éreinté par la critique, boudé par le public, le bien-nommé THE LAST MOVIE, annoncé comme le film le plus attendu de l’année 1971, disparait rapidement des écrans et provoque irrémédiablement la chute en disgrâce de Hopper auprès des producteurs.

« J’étais convaincu qu’il deviendrait un classique. Quand les gens d’Universal l’ont vu, ils ont été horrifiés. L’un des cadres m’a dit : « L’art, ça n’a de valeur qu’à titre posthume. On ne gagnera du fric avec ce film que si vous mourrez. » J’avais travaillé si longtemps et si dur pour le faire et, tout d’un coup, il n’en restait plus rien. Le film était entre les mains d’Universal. Des mains couvertes de sang, le sang du Big Business. » (Dennis Hopper)

Poursuivant néanmoins une carrière remarquée d’acteur, il lui faudra attendre presque une décennie pour retourner incidemment derrière une caméra, avec OUT OF THE BLUE (1980), une production canadienne fauchée. Quant au légendaire et chaotique THE LAST MOVIE, il aura traversé un purgatoire de près de 50 ans avant d’être de nouveau visible.

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Un événement proposé par l'association Monoquini en partenariat avec le Cinéma Utopia, avec le concours de Jean-Christophe Garcia, Jean Rougier, Didier Lasserre, Philippe Fernandez, l'Agence du court métrage, Sixpackfilm, Météores Film, Madeleine Molyneaux, Les Films du Temple, Carlotta.
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