Le court métrage serait-il au cinéma ce que la nouvelle est au roman ? Un précipité, une fulgurance, un jeu d’équilibre, un art de la concision ? Un mardi soir par mois au Cinéma Utopia, LES ÉPISODES vous proposent de vérifier cette hypothèse, palliant à la rareté de ce genre en soi dans les salles obscures, en dehors des festivals spécialisés. Il s’agit de réunir thématiquement des œuvres qui échappent aux modes de production et de diffusion conventionnels et d’explorer des archipels cinématographiques peu connus. Ce sont des films d’artistes et de cinéastes-plasticiens, des films-essais, des expérimentations couvrant une vaste étendue d’expressions et de pratiques audiovisuelles - de l’argentique au numérique, du cinéma d’animation au documentaire de création en passant par les infinies nuances de la fiction. Chaque séance présente une diversité de réalisations, mêlant films anciens et récents de toute nationalité, certains inédits en France, composant les chapitres d’un récit imaginaire au long cours.

MARDI 8 NOVEMBRE 2022 — 20H15
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 7€ ou Ticket abonnement



Effi & Amir, THE VANISHING VANISHING-POINT

ÉPISODE 7 / HISTOIRES INVISIBLES

— Les ÉPISODES se suivent mais ne se ressemblent pas. Avec les trois films en forme d’enquête qui composent ce programme et qui s’apparentent à l’essai documentaire, nous ne quittons cependant pas le domaine de l’expérimentation, tant par le sujet traité que par le processus de réalisation ou d’assemblage, et la forme atypique qu’il en résulte.

Le premier, réalisé par un couple d’artistes israéliens exilé à Bruxelles, s’intéresse à un Olea Europea, un olivier commun transplanté depuis le sol méditerranéen dans le parc Léopold II à proximité du Parlement Européen. Au fil des années, des saisons et des images tournées avec différentes caméras de qualité variable ou capturées via Internet avec les outils cartographiques développés par Google, l’arbre, en dépérissant, gagne une dimension métaphorique au travers de la veille attentive dont il fait l’objet. Pas seulement parce que l’olivier symbolise la paix, et plus spécifiquement la lutte du peuple palestinien dans les territoires occupés, mais plus largement parce qu’une forme de vigilance citoyenne s’instaure ici pour révéler la violence sourde et invisible qui est en œuvre dans les interstices d’un quotidien présumé paisible. Effi & Amir, avec cette « fuite du point de fuite » comme prolongement panoptique du « Blow up » antonionien et avec son « arbre-miroir » comme protagoniste principal, soulèvent le voile des apparences jusqu’à l’ultime révélation du générique de fin.

Site des artistes
https://www.effiandamir.net/


Camilo Restrepo, LA IMPRESION DE UNA GUERRA

Les deux films suivant nous emmènent en Colombie. Au début de LA IMPRESION DE UNA GUERRA, défilent sur un banc-titre des chutes de journaux, feuilles de papier aux teintes décalées, évanescentes ou saturées, où se devine encore sur les images la trace d’une actualité. À la surface de ces "impressions", qui servent habituellement à emballer les fruits du marché, Camilo Restrepo tente de faire émerger les indices du conflit armé qui déchire la société colombienne depuis les années 1950. L’impression dont il est question dans le titre, outre la référence aux journaux et à ce qui s’y révèle de manière confuse ou accidentelle, renvoie à la nature même de la guerre civile colombienne. Un conflit qui s’achève après 70 ans de violence et laisse une impression sourde, une douleur profonde qui doit trouver à s’exprimer. Un conflit où se mêlent et s’affrontent l’État, les milices paramilitaires, la guérilla et les narcotrafiquants, et qui a donné lieu à d’innombrables disparitions. À l’affût des traces de cette "guerre sans nom" sur lesquelles il médite en voix off, le réalisateur rencontre des individus qui, comme lui, cherchent une solution à la douleur : un ancien détenu adepte du tatouage et de la scarification, un groupe de punk qui vocifère sa rage, une association luttant pour la prise de parole des victimes. Le tout imprimé sur pellicule, médium sensible par excellence, auquel sont incorporées des images télévisées ou filmées au téléphone.

— CILAOS de Camilo Restrepo (2016 / 35mm / 12 mn.48) sera projeté le mardi 13 décembre dans le cadre des ÉPISODES 8

Site de Camilo Restrepo
https://camilo-restrepo.net/


León Siminiani, EL SINDROME DE LOS QUIETOS

Le film de León Siminiani prolonge ces réflexions sur les plis cachés du réel en se penchant sur le projet inachevé d’un groupe de cinéastes colombiens se faisant appeler Los Quietos, qui a entrepris en 2018 de réaliser un docu-fiction sur un supposé « syndrome de tranquillité ». De la place Bolivar dans la capitale Bogota au désert de Tatacoa, de la Marche du Silence du 7 février 1948 initiée par le candidat du Parti libéral Jorge Eliecer Gaitán, assassiné deux mois plus tard en pleine rue, à la vague d’attentats des années 80, jusqu’à la récente pandémie, cette mystérieuse archive retrouvée tente de cerner par bribes les particularités et les paradoxes de la société colombienne. Plusieurs personnalités y contribuent au travers d’entretiens : Luis Ospina, figure du cinéma documentaire colombien et pionnier du docu-fiction, l’économiste et ex-guérillero Gustavo Petro, candidat malheureux lors des élections de 2018 (finalement élu le 6 août dernier) et l'écrivain Juan Gabriel Vásquez.

Élaborant une forme originale de récit, ces trois objets documentaires inclassables offrent un formidable tremplin pour l’imaginaire autant qu’une approche incisive du réel.

Au programme :

THE VANISHING VANISHING-POINT d'Effi & Amir (Belgique / 2015 / couleur / 28 mn.)
LA IMPRESION DE UNA GUERRA de Camilo Restrepo (Colombie / 2016 / couleur / 26 mn. / VOSTFR)
EL SINDROME DE LOS QUIETOS de León Siminiani (Colombie-Espagne / 2021 / couleur / 32 mn. / VOSTFR)

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Durée totale du programme : 1h26

Merci à Effi & Amir, Camilo Restrepo et BFF, Marvin & Wayne et à Sylvain Maestraggi à qui est emprunté le texte sur LA IMPRESION DE UNA GUERRA.

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