Les prototypes du vivant
Exposition performative collective commissionnée par Annabelle Chambon, Cédric Charron et Emilie Houdent.
Avec Sophie Dalès, Bertrand Grimault, Marta Jonville-Pile, Dina Khuseyn, Johann Loiseau, Elisabeth Saint-Jalmes, Yacine Sif El Islam, et 26 étudiants de l'école des Beaux-Arts de Bordeaux.
dans le cadre de Trente Trente — les rencontres de la forme courte
http://trentetrente.com/
JEUDI 23 JANVIER 2020
18h — 23h
EBABX
École des beaux-arts de Bordeaux
Accès par le Café Pompier
7 Place Renaudel — Bx
Entrée gratuite sur réservation
PEAU TRANSPARENTE
— Peau transparente se présente comme une expérience de laboratoire qui croise les pratiques de production d’images filmiques et trame de nouvelles correspondances entre outils numériques et projection argentique en 16mm. En partant du postulat que la pellicule (pellicula) cinématographique est une petite peau sensible recevant une trace chimique, transportée ensuite sur un écran, un jeu de correspondances est venu nourrir nos expérimentations : l’écran est une toile, le ruban filmique s’enroule et se déroule sur des bobines, une matière évanescente se tisse, défile en boucles.
La main coupe et colle, assemble des éléments épars, le montage est un processus d’entre-tissage invoquant la figure arachnéenne de la tisserande. Les cinq doigts de la main sont une araignée, la petite peau est une surface sensible à tatouer : ces motifs se recoupent sur la surface translucide de projection et, par la boucle et la répétition, par la simultanéité des gestes et la démultiplication des actions, ouvrent un espace de formes hybrides.
Le projecteur 16mm n’est pas un simple outil, c’est aussi et surtout un instrument avec ses sonorités et son rythme propre, celui du moteur qui entraine les courroies, de l’intermittence des griffes qui agrippent les perforations de la pellicule et la font défiler dans le couloir de projection, des divers cliquetis des rouages, de l’électricité qui parcourt son cœur métallique. Amplifié, traité, le signal se fait chambre d’écho de cette modeste mais puissante machine à projeter simultanément du temps et de l’espace.
Quant au film, sous sa forme pelliculaire, il est vivant, putrescible, du fait de l’émulsion chimique, sensible au temps et aux éléments, qui recouvre une de ses faces. Le support acétate, anciennement nitrate, inflammable et explosif, est lui aussi sujet à des variations. Il se rétracte et se voile avec le temps. Le syndrome dit du vinaigre achève sa décomposition dans des conditions de stockage inadaptées (chaleur et humidité), transformant chaque photogramme en vitrail abstrait, empreinte de lumière instable où s’agitent les molécules d’argent.
La pellicule, support aujourd’hui a priori obsolète, révèle ses inépuisables potentialités. Elle a fait ici l’objet d’une innovation, au travers d’une astucieuse forme d’ingénierie et d’un mode de production quasi artisanal exploitant des ressources numériques de pointe : conception logicielle de bandes de film perforé, découpe laser, traceur, impression dite HD ont permis à cet atelier de produire ses propres films sur « pellicule » sans aucun recours à la photochimie.
La performance se déroule dans le studio vidéo de l’EBABX, sur un fond vert qui est typique de ces espaces où se réalise une grande part artificielle du cinéma d’aujourd’hui. Les trois opérateurs se saisissent de cet espace avec ironie, non pour créer des effets spéciaux numériques, mais pour en faire un laboratoire expérimental digne d’un film de genre où la tutelle psychédélique de Mario Bava imprime sa touche acide, où la troisième dimension n’a pas besoin de lunettes anaglyphes ou stéréoscopiques pour se révéler mais réside d’emblée dans l’œil du spectateur.
Peau transparente, entre performance cinématographique et concert, est une archéologie à rebours, renouant avec des techniques et des savoir-faire présumés anachroniques, produisant une collision inédite avec des outils hi-tech, pour les inscrire dans un présent palpitant.
Laborantins : Adrien Edeline, Bertrand Grimault, Maverick Laporte
Remerciements : Arnaud Maudru, Florian Aimard Desplanques
— Important : du fait de phénomènes lumineux et sonores intenses, cette performance est déconseillée aux personnes sujettes à la migraine et à l’épilepsie.