DEUX SÉANCES :
VENDREDI 16 NOVEMBRE — 19H30
+
VENDREDI 23 NOVEMBRE — 14H
séance présentée par Elisabeth Pawlowski,
co-productrice du film pour Baldanders Films
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian
Bordeaux
Tarifs : 7,50€ ou ticket d'abonnement Utopia
© Laureen Lagarde
LE ROUGE ET LE GRIS
Ernst Jünger dans la Grande Guerre
Un film de François Lagarde
(France, 2018, n&b et couleur, 3h28)
D’après Orages d’acier d’Ernst Jünger
(Traduction de Henri Plard, Christian Bourgois, 1970)
Voix récitante : Hubertus Biermann
Conception sonore : Jean-Luc Guionnet
Montage : Christine Baudillon
Né en 1895, « comme le cinéma, la psychanalyse, les rayons X et le moteur diesel », se plaisait à dire François Lagarde, Ernst Jünger n’a pas 20 ans quand il répond à la mobilisation et s’engage sur le front, en première ligne, dans les troupes de choc. De cette expérience dont il sort miraculeusement vivant, Jünger ramènera quatorze blessures, la Croix "Pour le Mérite" – la plus haute distinction militaire allemande – et quinze carnets qui constituent la matière d’un ouvrage publié à compte d’auteur en 1920.
D’abord intitulé « Le rouge et le gris » en référence à Stendhal, Orages d’acier est un récit de guerre devenu célèbre qui décrit avec minutie le quotidien des soldats et des combats, les positions de l’ennemi, les plans d’action, les dégâts humains et matériels sur le champ de bataille. Ce journal livre, au travers d’un style d’une netteté absolue qui révèle le grand écrivain et essayiste que deviendra Jünger, ses réflexions sur le caractère apocalyptique de ce spectacle terrifiant et le basculement d’une guerre de position vers une guerre de matériel à l'échelle industrielle bouleversant durablement, jusqu’à nos jours, les paysages du nord-est de la France. « Ce fut le premier soldat allemand que je vis sous le casque d’acier et il m’apparut aussitôt comme l’habitant d’un monde nouveau et plus dur », écrit Jünger en 1916, le rouge de l’uniforme hérité du XIXème siècle romantique faisant place au gris d’un monde mécanisé où pour survivre, il faut se fondre dans la boue et les débris, sur l’horizon décharné par les obus.
© Laureen Lagarde
En 1967, François Lagarde découvre Orages d’acier. Il a presque le même âge que Jünger quand, plus de 50 ans auparavant, celui-ci fait précocement l’épreuve du feu.
Étonné d’apprendre que l’écrivain (alors contesté par la jeunesse allemande pour son passé belliciste) est toujours en vie, le jeune photographe part à sa rencontre. Une longue amitié en découlera, qui s’achèvera avec le décès de Jünger en 1998, à 102 ans.
La rencontre est déterminante aux yeux de François Lagarde pour qui l’objectivité du journal de guerre résonne avec sa propre attention au réel silencieux de l’image fixe. Chez Jünger, il y a une parenté profonde entre les nouvelles armes de destruction massive qui apparaissent alors et l'objectif photographique qui va fixer leurs effets. Au cours de la Première Guerre Mondiale, un soldat allemand sur cinq aurait emporté un appareil photo dans son paquetage. Il en résulte une abondance de clichés au format 6x6 ou 9x14 qui nous parviennent aujourd’hui, témoignages du quotidien sur le front.
Vingt ans durant, François Lagarde a patiemment écumé les collections privées et réuni quelques 3000 photographies « du point de vue de l’ennemi », qu’il a numérisé et restauré, parvenant à reconstituer la trajectoire de Jünger dans une adéquation parfois vertigineuse quand lieux et dates de prises de vue et de note coïncident exactement. C’est le regard même du chroniqueur qui est restitué dans ce projet colossal, conférant un sentiment de présence à ce long voyage constitué d’une succession d’instantanés.
La voix profonde de l’acteur et musicien allemand Hubertus Biermann, lisant en français le texte de Jünger (qui était lui-même un francophile parfaitement bilingue), contribue à immerger le spectateur dans une œuvre qui, loin d’être un énième documentaire commémorant le centenaire de l’armistice, se révèle un geste rigoureux et radical — une méditation universelle et intemporelle sur la guerre, la mort et la mémoire.
© Laureen Lagarde
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En première partie :
EN COMPAGNIE DE FRANÇOIS LAGARDE
Un film de Philippe Pigeard
(France, 2017, 10 minutes)
Un court portrait de François Lagarde, disparu le 13 janvier 2017, alors qu’il prépare Le Rouge et le Gris, racontant sa découverte du texte de Jünger, les liens qu’il entretient avec la photographie et sa recherche de documents.
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Un événement proposé par l'association Monoquini en partenariat avec le Cinéma Utopia.
Merci à Christine Baudillon, Philippe Pigeard, Marie Vachette (Vendredi Distribution), Elisabeth Pawlowski & Elsa Minisini (Baldanders Films).
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