DIMANCHE 18 DÉCEMBRE 2022 — 20H15
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 7€ ou Ticket abonnement


THE NEON DEMON

Un film de Nicolas Winding Refn
États-Unis - France - Danemark / 2016 / couleur / 1h58 / VOSTFR
Scénario de Polly Stenham, Mary Laws et Nicolas Winding Refn
Musique de Cliff Martinez
Avec Elle Fanning, Karl Glusman, Jena Malone, Bella Heathcote, Abbey Lee, Keanu Reeves, Christina Hendricks

Interdit aux moins de 12 ans.

— Jesse, une juvénile orpheline ayant quitté sa Georgie natale, débarque à Los Angeles avec le projet de devenir mannequin. Sa beauté virginale la distingue immédiatement dans le milieu de la mode, avide, littéralement, de chair fraiche. Son ascension fulgurante suscite autant le désir que la jalousie de concurrentes sculptées par la chirurgie esthétique. La candide prétendante au succès va progressivement faire sa mue et révéler sa véritable nature.

Voici, dans l’écrin de la salle obscure, le retour d’un diamant noir qui aura déconcerté une grande partie du public et de la critique à sa sortie. Il faut dire qu’après le succès de DRIVE (prix de la mise en scène au festival de Cannes en 2011) et le discrédit jeté sur ONLY GOD FORGIVES (2013) par des critiques inattentifs, sinon borgnes, Nicolas Winding Refn était attendu au tournant.
Alors qu’il est de bon ton pour le cinéma contemporain de s’affirmer comme tribune pour les turbulences sociales et le désastre global qui pèse sur l’humanité, le geste formaliste qui privilégie l’écran comme surface propice à l’abstraction - renouant avec le principe avant-gardiste du cinéma comme un art singulièrement plastique - est voué le plus souvent, dans ce 21ème siècle présumé futuriste, à l’incompréhension, voire à la relégation dans le champ dit de "l’expérimental", avec ce que cela connote d’obscur pour le "grand public". Pour le daltonien dyslexique qu’est Refn, la couleur joue le rôle d’un alphabet d’émotions, elle est une partition en soi qui peut se permettre une narration serpentine, pour nous transporter sans interdits dans un monde visuellement sidérant.

Ainsi, le dernier film en date du turbulent réalisateur danois pousse tous les curseurs sensoriels, pour une expérience rare sur le grand écran.
Il gravite autour de quatre personnages de femmes puissantes, les hommes n’étant ici au final que des papillons attirés par la lumière de corps presque irréels, figurants fascinés qui cherchent à fixer sur papier glacé leur beauté baroque, magnifiée par Natasha Braier, géniale directrice de la photographie. Polly Stenham, dramaturge britannique que la pièce THAT FACE écrite à 19 ans a propulsé sur le devant de la scène, et Mary Laws, jeune scénariste et productrice américaine, qui ont toutes deux co-signé avec Refn l’adaptation, complètent ce tableau majoritairement féminin, contredisant si besoin l’idée que le cinéma de genre, versant horrifique, ne serait que l’affaire de mâles aux penchants coupables.

THE NEON DEMON est donc une vanité. Une célébration vénéneuse de la beauté, de ses pouvoirs et de ses artifices. Un espace de la métamorphose où règnent des créatures comme étrangères au genre humain. Mais qu’importe le visage, puisque c’est le masque qui fascine. Et ici le masque est un somptueux vitrail qui puise dans un répertoire plastique hérité de Mario Bava, exacerbant les expérimentations chromatiques de Clouzot sur L’ENFER et prolongeant l’exploration hallucinée des dédales du SUSPIRIA d’Argento.

Dépassant l’exercice de style référentiel, THE NEON DEMON actualise avec brio le thème du vampirisme et déploie un imaginaire visuel d’une rare sophistication, confirmant Refn comme un des cinéastes les plus doués de sa génération.

— Bertrand Grimault

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Un événement proposé par l'association Monoquini en partenariat avec le Cinéma Utopia
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