DIMANCHE 30 OCTOBRE 2022 — 20H15
Cinéma Utopia
5 Place Camille Jullian, Bordeaux
Tarif : 7€ ou Ticket abonnement


OUR MOTHER'S HOUSE
(Chaque soir à 9 heures)

Un film de Jack Clayton
GB / 1967 / couleur / 1h20 / VOSTFR
Scénario de Jeremy Brooks & Haya Harareet, d’après le roman de Julian Gloag.
Musique de Georges Delerue

Avec Dirk Bogarde, Pamela Franklin, Mark Lester, Yootha Joyce…

— Sous le toit d’une modeste maison, dans un quartier résidentiel du Londres des années 60, ils sont sept enfants, frères et sœurs, à vivre avec leur mère alitée qui les a élevés dans le rigorisme de la Bible. L’ainée n’a pas quatorze ans mais occupe déjà des responsabilités d’adulte : faire les courses, la cuisine, consoler les petits. La mère meurt. Les enfants, terrifiés à l’idée d’être séparés et d’être placés en institution dont ils se font une image à la Dickens, l’enterrent au fond du jardin. Ils dissimulent son décès à leur voisinage et poursuivent leur existence comme si de rien n’était. Un jour, leur père, un débauché absent depuis des années, ressurgit…

« Plus que tout, j’aime les enfants », affirme dès le générique Miss Giddens, la gouvernante incarnée par Deborah Kerr, dans LES INNOCENTS, d'après le roman « Le tour d’écrou » d’Henry James, classique envoutant du cinéma et œuvre la plus célèbre de Jack Clayton, sortie en 1961 - une célébrité qui a malheureusement éclipsé le reste de sa filmographie. Les mots de Miss Giddens pourraient sortir de la bouche même du réalisateur britannique, réputé pour ses adaptations littéraires, lui qui aura tout au cours de sa carrière parcimonieuse (9 longs métrages en 40 ans) porté une attention toute particulière au domaine de l’enfance. Une enfance le plus souvent orpheline, où un angélisme trompeur et une certaine fascination pour la mort font vaciller ces intrus trop rationnels ou trop névrosés que sont les adultes.

Après THE PUMPKIN EATER (1964) qui mettait en scène d’après un scénario de Harold Pinter une progéniture nombreuse papillonnant autour d’un couple instable, Clayton choisit pour son quatrième film d’explorer les relations qu’entretiennent de jeunes frères et sœurs dans le secret d’un univers surréel mêlant les peurs enfantines et le féérique.
Le contexte en est plus que trouble : des gamins, livrés à eux-mêmes suite à la mort soudaine de l’unique adulte du foyer, s’inventent de nouveaux rituels pour en conjurer l’absence ; chaque soir, Bible en main, l’unique livre de la maison semble-t-il, l’esprit de la défunte est invoqué lors d’une séance de spiritisme pour commander les actes parfois cruels de cette petite communauté par ailleurs fortement soudée. Des règles ont été établies, quitte à transgresser radicalement - souvent par jeu - celles qui s’imposent « à l’extérieur ».

Plus trouble encore est le personnage du père interprété par Dirk Bogarde qui sort tout juste d’ACCIDENT de Joseph Losey, et qui semble transposer ici quelque chose de la perversité de son rôle dans THE SERVANT. Ce père indigne - inconnu des plus petits - rassure d’abord par sa franche camaraderie et sa capacité à gérer un quotidien trop lourd pour de frêles épaules, avant de perturber sans ménagement le huis clos protecteur, enfin de briser le « monde parallèle » que s’était inventé le groupe.
Ainsi, le film se présente en deux parties distinctes, la première baignant dans un fantastique feutré, la seconde préparant la lente implosion d’un monde rêvé et la perte de l’innocence.

Cette atmosphère confinée aux teintes automnales a paru quelque peu surannée en pleine frénésie du Swinging London. 1967, c’est l’année de BLOW UP d’Antonioni, de PRIVILEGE de Peter Watkins, de HOW I WON THE WAR de Richard Lester, avec John Lennon dans le rôle principal, dans le sillage de HARD DAY’S NIGHT, et OUR MOTHER’S HOUSE (qui est de surcroit sorti en 1973 en France, six ans après sa sélection au festival de Venise) est passé inaperçu et est rapidement tombé dans l’oubli.
Pourtant, ce film « d’enfants pour adultes » tout en nuance et suggestion, qui évoque davantage JEUX INTERDITS de René Clément que SA MAJESTÉ DES MOUCHES de Peter Brook dont il est trop souvent hâtivement rapproché, livre une stupéfiante direction d’acteurs âgés de 4 à 13 ans (dont Pamela Franklin qui interprétait déjà la petite Flora dans LES INNOCENTS), confondants de naturel et de justesse.

Une œuvre étrange et inclassable, un jalon méconnu du cinéma britannique des années 60, à redécouvrir absolument.

— Bertrand Grimault



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Un événement proposé par l'association Monoquini en partenariat avec le Cinéma Utopia, avec le concours de Warner France.
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